Timbuktu ne fera pas la une des journaux. Il serait aussi étonnant que la presse «people» s'emballe pour l'équipe d'un film sans stars, réalisé par un cinéaste venu de la Mauritanie. Le seul film africain de la compétition a été programmé tout de suite après Grace de Monaco, film d'ouverture hors concours, et ses effluves de glamour. Méchant changement de registre. À Cannes se côtoient sans gêne les films d'ombres et de lumières. C'est d'ailleurs ce qui fait la force de ce festival. Certains s'imposent par la simple force de leur propos; d'autres par l'attention médiatique que génèrent leurs têtes d'affiche.

Le film d'Abderrahmane Sissako (Bamako) appartient bien entendu à la première catégorie. Le cinéaste s'attarde à décrire la vie quotidienne dans une ville conquise par les intégristes, des fous qui interprètent la loi de la charia de façon la plus radicale possible. Il n'est plus possible de jouer au foot, ni d'écouter de la musique, pas plus que de se permettre une envolée romantique en public. Les femmes doivent bien sûr restées voilées. Autrement dit, l'essence même de la vie est désormais proscrite.

Pudique malgré tout

La grande force du film de Sissako est d'évoquer cette ignoble réalité avec des scènes très fortes. Certaines d'entre elles confèrent à la poésie; d'autres distillent un peu d'humour ou sont d'une cruauté inouïe. Si Sissako montre de façon frontale une scène de lapidation ou de torture par fouettage, son approche reste quand même très pudique. Sa caméra n'insiste jamais.

Cela dit, le cinéaste fait aussi écho à la capacité de résilience de l'être humain. Une scène où des jeunes jouent au foot sans ballon (le sport est interdit) est digne de figurer dans une anthologie du cinéma. De même, on savourera une scène musicale magnifique au cours de laquelle une jeune femme exprime son bonheur de chanter, malgré les risques encourus.    

Timbuktu fait partie de ces films qu'on n'oublie pas.

Le prochain film au programme

Au programme de la compétition vendredi: The Captive. Le nouveau film d'Atom Egoyan est le premier des trois longs métrages canadiens en compétition à entrer dans la course. Winter Sleep, du très estimé cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan (Il était une fois en Anatolie) sera aussi présenté demain au beau milieu de l'après-midi. La durée du film? 3h16...