Artiste contemporain formé à l'École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, Clément Cogitore est aussi un cinéaste qui, pour son premier long métrage, propose une autre vision du film de guerre. Une vision où la carte de l'irrationnel est jouée à fond la caisse. La Presse a rencontré le cinéaste au Festival international du film francophone de Namur.

Un avant-poste de l'armée française à la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan. Pas de doute, nous sommes dans un film de guerre tout ce qu'il y a de plus contemporain. Et si le film basculait dans le thriller ? Et si des dimensions mystiques s'y ajoutaient ?

On aurait pourtant dû s'en douter. Le joli titre Ni le ciel ni la terre ne dévoilait-il pas les intentions de l'auteur ? Clément Cogitore, lui, annonce en entrevue bien aimer jouer avec différents registres de narration. 

Tout va bien dans la mission du capitaine Antares Bonnassieu jusqu'au moment où un, deux, trois, quatre de ses hommes disparaissent. Les tentatives faites par Bonnassieu pour les retrouver demeurent vaines. Il doit alors composer avec la population locale, et même avec ses pires ennemis, pour tenter de redonne un peu de sens à ce qui n'en a pas.

Ce ne sont pas tous les spectateurs qui auront envie d'embarquer dans une proposition aussi déroutante.

Il reste que M. Cogitore propose ici sa façon toute personnelle de nous parler de l'irrationalité de la guerre. À ses yeux, Ni le ciel ni la terre est un film sur le deuil et la croyance.

«Le deuil s'exprime ici par le biais de la disparition. La guerre, ce sont des hommes directement confrontés à la mort et qui peuvent disparaître. Je voulais aussi camper cette guerre avec des confrontations de croyances. Dans le sens christianisme versus islam, mais aussi en opposant une pensée rationaliste à une pensée mystique. De là le fait de placer l'histoire dans un village où règne le soufisme. Nous avons deux pensées n'ayant rien à voir entre elles. L'une exclut le mystère de la réalité et l'autre le met au centre.»

Une pincée de fantastique

Incarnant Jérémie, un des soldats du groupe français, le comédien Swann Arlaud fait remarquer que le film met en doute les certitudes des puissants à pouvoir tout contrôler.

«Depuis l'origine du monde, il y a des choses inexpliquées, inexplicables, mystérieuses, dit-il. La question de la vie est pleine de mystères. La maîtrise de l'homme sur son environnement est devenue de plus en plus grande, de sorte qu'aujourd'hui, on vit dans un monde où l'on est soi-disant censés pouvoir tout maîtriser. Or ici, quelque chose va échapper à cette armée possédant des drones, des visières infrarouges, etc. Ça, c'est formidable ! Nous avons ici un film avec une part fantastique qui, à mon sens, a quelque chose du réel.»

«L'idée était de montrer que ces soldats se rendent compte, petit à petit, que leurs outils ultra perfectionnés destinés à prendre le pouvoir sur le monde ne sont pas tout-puissants», souligne Clément Cogitore.

Cela dit, ce dernier se dit à la fois «impressionné et horrifié» de voir ce que le cerveau humain est en mesure de créer dans l'art de la guerre. Avec son film, à sa façon, il essaie sans doute de nous lancer un rappel à l'ordre.

Dimanche à 13 h 30 et le jeudi 12 novembre à 16 h, au Cinéma Impérial.