«Vieillir n'est pas un drame même quand on se fait plaquer à 60 ans et qu'on n'a plus un sou», dirait sans doute Bettie alias Catherine Deneuve, au coeur de Elle s'en va, présenté vendredi à la Berlinale, qui derrière l'icône révèle une femme irrésistible d'authenticité.

Car dans ce road movie de la réalisatrice Emmanuelle Bercot, l'actrice mythique s'offre sans complexe et au naturel à la caméra, à bientôt 70 ans, riant, pleurant, dormant, mangeant, aimant, au gré de ses rencontres avec des inconnus sur les routes de France entre la Bretagne et le sud de l'hexagone.

Dans Potiche de François Ozon, elle avait fait rire les spectateurs en bourgeoise «liftée», en survêtement rouge années 70. Dans Elle s'en va, elle quitte tous les personnages de son illustre carrière et révèle la femme qu'elle est et qui vieillit, comme tout le monde.

Devant la presse, l'actrice a confié qu'il n'était «pas évident de vieillir». «Ce n'est pas facile pour une femme et encore moins pour une actrice, mais ce n'est pas pour cela que ça doit devenir une obsession surtout quand on ne peut pas le contourner», a-t-elle dit.

Elle a dit croire à l'amour en vieillissant: «On voit des gens dans les maisons de retraite qui tombent fous amoureux et se marient à 70 ans et plus bien sûr».

Dans Elle s'en va, Catherine Deneuve incarne Bettie, sexagénaire, qui, sur un coup de tête, et alors qu'elle vient d'être quittée par son amant, part de son restaurant de Concarneau en plein service pour aller «faire un tour». Son coeur est gros et ses affaires vont mal, sa vieille mère l'étouffe et elle se sent seule.

Cette promenade à la recherche de cigarettes va la mener à l'autre bout du territoire et sur un chemin des plus inattendus, révélant toute la richesse de relations humaines insoupçonnables et insoupçonnées.

À ses côtés? Des inconnus, acteurs d'un jour, rencontrés sur la route, deux actrices professionnelles, Claude Gensac et brièvement Mylène Demongeot, un peintre, Gérard Garouste, une chanteuse, Camille, et un jeune garçon, Nemo Schiffman.

Bonheur

Happée par le ressenti de ses personnages plus que par leur histoire, la réalisatrice réussit un vrai tour de force, éclatant d'émotion juste, en amenant la mythique Deneuve à tomber complètement les masques. Un peu à la manière d'un Raymond Depardon, elle la conduit dans l'intimité de «vrais» gens, un peu partout en France, et lui donne l'occasion de dévoiler la sienne: celle d'une femme séduisante, fine, drôle, sensible, dont les rides et les bourrelets sont le cadet des soucis.

«Elle est juste elle-même dans ce film, quelqu'un de très simple dans la vie», a dit à l'AFP Emmanuelle Bercot, qui concède: «Sans doute loin de l'image que les gens se font d'elle».

«Je l'aime énormément en tant qu'actrice et comme femme. Elle est très inspirante, ouvre un imaginaire infini alors qu'elle fait partie elle-même de notre imaginaire», poursuit la réalisatrice, qui ajoute: «Et ce qu'elle porte dans son visage, son regard, son extrême intelligence».

Catherine Deneuve a dit s'être identifiée à son personnage «à beaucoup de moments». Interrogée sur le bonheur, elle a ajouté: «on a plus de bonheur quand on est enfant mais le bonheur ce n'est pas un état permanent c'est d'ailleurs pour cela que ça s'appelle le bonheur».

Vêtue d'un pantalon en toile clair et d'un chemisier léger qu'elle ne quitte pratiquement pas, Bettie va entrer dans le quotidien de personnes qu'elle ne connaît pas: un vieil agriculteur veuf plein d'arthrose qui lui roule une cigarette dans sa cuisine, un groupe de femmes et d'hommes dans une boîte de nuit de campagne, un vigile d'une zone commerciale... Des concentrés d'émotions purs où les êtres partagent et donnent, sans se poser de questions.

Du Nord au Sud, la caméra alterne les gros plans et la distance, se focalisant sur les groupes humains autant que sur le personnage principal qui semble s'alléger de ses fardeaux intérieurs au fur et à mesure qu'elle enchaîne les kilomètres et se laisse porter par la vie.