Construit autour de l’acteur Kingsley Ben-Adir, Bob Marley : One Love constitue une opération de béatification dans la pure tradition des biographies autorisées. Les séquences musicales soulèvent ce film parfois éclairant, qui reste souvent en surface des choses.

Il faut peut-être avoir mis les pieds dans une île des Caraïbes et vu les gens vibrer au son du reggae pour en saisir la portée. Ici, entre deux puffs, on en comprend parfois encore le message politique, mais bien moins la part spirituelle. Elle est pourtant indissociable de cette musique et de la quête à la fois intime, politique et mystique de son icône, racontée aujourd’hui dans le film Bob Marley : One Love.

Bob Marley (Kingsley Ben-Adir) est déjà une vedette internationale lorsque le film commence, à la fin de l’année 1976. Il est aussi un demi-dieu chez lui, en Jamaïque, pays alors marqué par une guerre de gangs liée aux partis politiques. Ce qui ne veut pas dire qu’il fait l’unanimité : deux jours avant sa participation annoncée à un concert organisé par le gouvernement, il est victime d’une tentative d’assassinat.

Le chanteur, blessé, participera à l’évènement. Peu après, il s’exilera à Londres, où se déroule l’essentiel du film. Là, il doit faire face à l’émergence du mouvement punk et consacre l’essentiel de ses énergies à préparer la suite, c’est-à-dire à créer son album Exodus. Il ne reviendra chez lui qu’en 1978, pour un autre concert aux visées pacifiques, au cours duquel il fera en sorte que les leaders des deux principaux partis politiques du pays se serrent la main.

Opération ambitieuse

En choisissant de s’attarder sur ce bloc charnière de deux années, le réalisateur Reinaldo Marcus Green (King Richard, sur le père des sœurs Williams) dit qu’il y trouvera l’essence de son sujet. Ce qui est ambitieux, compte tenu de la complexité des enjeux et du personnage.

Le climat politique volatil de la Jamaïque est bien évoqué, à défaut d’être expliqué.

Or, en plaçant Bob Marley au sommet de sa gloire d’entrée de jeu, on n’apprend rien sur la portée politique de ses chansons. On le découvre déjà coiffé de l’auréole du révolutionnaire, presque intouchable et... entouré de gardes armés comme s’il était lui aussi un chef de gang.

Kingsley Ben-Adir est convaincant en Bob Marley, dont il va jusqu’à imiter le « patois » – le créole jamaïcain –, ce qui peut poser des défis à la compréhension. L’acteur campe une star davantage préoccupée par sa foi et son projet politique que par sa célébrité. Sauf qu’il vaut mieux avoir déjà une idée de ce que portent la foi rastafari et l’idéologie du panafricanisme pour saisir le fil sous-terrain du film. Le scénario les explique peu, misant plutôt sur de nombreuses scènes musicales qui, elles, s’avèrent fort engageantes et confèrent à l’œuvre l’essentiel de sa force.

PHOTO CHIABELLA JAMES, FOURNIE PAR PARAMOUNT

Scène du film Bob Marley : One Love

Les retours en arrière « poétiques » pour évoquer l’abandon de Bob Marley par son père et le lien symbolique tissé jusqu’à Haïlé Sélassié (empereur d’Éthiopie révéré par les rastas) sont en effet peu convaincants. Ceux destinés à expliquer les liens forts qui unissent Bob et sa femme Rita Marley (excellente Lashana Lynch) sont quant à eux éclairants, mais joués d’un ton mielleux.

Rita Marley, qui est toujours vivante, se révèle le personnage le plus fort du film. Avec son mari, elle forme un couple presque présidentiel, uni par un objectif commun. C’est elle qui l’a initié au rastafarisme, rappelle le film, qui ne fait en revanche qu’effleurer l’inhabituelle complexité de ce couple, balayant notamment la question compliquée de sa progéniture.

Bob Marley : One Love se contente en fait de suivre presque à la lettre les préceptes de la biographie autorisée (des membres de la famille ont collaboré au processus, ceci expliquant sans doute cela). Il éclaire une trajectoire, de manière parfois convaincante, mais creuse très peu son personnage principal. Il ne s’attarde presque pas à ses parts d’ombre et à ses inévitables contradictions, s’efforçant d’en faire un saint et à donner du lustre à un mythe déjà imposant. L’évocation de sa mort prématurée, à 36 ans, après qu’il a enfin réalisé son rêve de chanter en Afrique, pour la libération du Zimbabwe, scelle la canonisation. L’icône du reggae doit s’être retournée dans sa tombe en voyant ce qu’est devenu le libérateur Robert Mugabe...

En salle

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Bob Marley : One Love

Drame biographique

Bob Marley : One Love

Reinaldo Marcus Green

Kingsley Ben-Adir, Lashana Lynch, James Norton

1 h 47

6,5/10