De retour dans son patelin après 40 ans d’absence, une sexagénaire accueille chez elle trois locataires dans l’espoir de restaurer la maison familiale dont elle a hérité.

Souvent cantonnée dans des rôles de marginales, comme une femme trans analphabète dans Louise-Michel, de Delépine et Kervern, et une peintre naïve dans Séraphine, de Martin Provost, Yolande Moreau n’a jamais caché l’affection qu’elle portait elle-même aux marginaux et laissés-pour-compte. Après s’être intéressée aux intermittents du spectacle dans Quand la mer monte (2004) puis aux personnes vivant avec un handicap intellectuel dans Henri (2013), la réalisatrice belge pose cette fois son regard singulier sur ce que Leonard Cohen appelait des perdants magnifiques.

Dans sa jeunesse, Mireille (Yolande Moreau) était follement amoureuse d’un soi-disant poète (Sergi Lopez). Hélas ! Ce dernier l’a roulée dans la farine et la pauvre s’est retrouvée en prison. De retour 40 ans plus tard dans la grande demeure familiale décatie sur les bords de la Meuse, celle qui possède une licence en lettres doit se contenter de travailler à la cafétéria de l’École des beaux-arts. Pour arrondir ses fins de mois, elle y fait la contrebande de cartouches de cigarettes.

Au courant de sa situation financière, le père Benoît (le chanteur William Sheller) lui suggère de prendre des locataires. Les heureux élus seront Bernard (Grégory Gadebois), jardinier divorcé menant une double vie, Cyril (Thomas Guy), étudiant aux beaux-arts dont Mireille voudra exploiter les talents de faussaire, et Elvis (Estéban), sans-papiers se faisant passer pour un musicien américain.

Teinté d’une touche de réalisme magique que ne renierait pas Jaco Van Dormael, La fiancée du poète est une fable aussi joyeuse qu’échevelée où Yolande Moreau jongle avec différents thèmes graves, parmi lesquels les familles éclatées, les amours déçues, la précarité d’emploi, l’immigration, l’identité de genre et la solitude. Plutôt que de faire sombrer le tout dans le pathos, la cinéaste pimente d’une douce folie et d’une naïve poésie cette histoire de résilience, de solidarité et de débrouillardise.

Dans cet univers ludique où les cerfs de ciment ont une âme et brament la nuit, Yolande Moreau, qui signe le scénario avec Frédérique Moreau (Les rois du monde, de Laurent Laffargue), orchestre avec tendresse et un humour décalé une suite de scènes cocasses entre ces touchants roublards. Après une noce endiablée évoquant le cinéma d’Emir Kusturica et divers retournements amusants, la réalisatrice abandonne ses personnages vers un destin, sans doute insolite, sur les flots de la Meuse embrumée.

En salle

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La fiancée du poète

Comédie dramatique

La fiancée du poète

Yolande Moreau

Avec Yolande Moreau, Grégory Gadebois, Thomas Guy, Estéban

1 h 43

6,5/10