Pour préparer un rôle inspiré d’une histoire vraie, une actrice rencontre la femme qu’elle va incarner à l’écran. Une femme d’âge mûr dont la liaison scandaleuse avec un garçon de 13 ans a enflammé la presse à sensation, 20 ans plus tôt.

Dès le générique, au son de la belle musique de Michel Legrand (celle du film The Go Between), Todd Haynes installe le climat feutré de son film. On voit Gracie (Julianne Moore), peu avant l’arrivée d’Elizabeth (Natalie Portman), qui prépare le traditionnel BBQ du 4 juillet. Or, cette étrangère, une actrice célèbre qui s’immisce dans la famille de Gracie, ne tardera pas à ébranler la façade de son bonheur factice.

De Safe à Carol en passant par Far from Heaven, le cinéma de Todd Haynes aime déboulonner le mythe du rêve américain. En utilisant les codes... de la culture américaine et des films hollywoodiens. Son œuvre nous rappelle que le déni et l’obsession de l’image sont de terribles poisons sociaux. C’est l’un des cinéastes les plus fascinants au sud du 49parallèle. Et May December, sans être son meilleur film, le confirme.

Les gens qui manquent d’assurance sont dangereux, dit Gracie à Elizabeth, lorsque cette dernière l’interroge sur son passé atypique. Car elle a une liaison avec Joe (Charles Melton) qui a un quart de siècle d’écart avec elle. Melton joue d’ailleurs l’amoureux et père de trois enfants comme un adolescent qui a grandi trop vite. Accusée pour le viol d’un mineur en 1993, Gracie a été condamnée et a fait de la prison, avant de se marier avec Joe à sa majorité ; puis a fondé une deuxième famille.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Julianne Moore et Natalie Portman dans une scène de May December

Le scénario est inspiré de l’affaire Mary Kay Letourneau qui a fait les manchettes dans les années 1990. Professeure d’une école de l’État de Washington, Letourneau avait eu une relation avec son élève de 6année. Elle a été jugée et a fait de la prison aussi, avant d’épouser son jeune amant.

À l’instar de la série Chouchou, le réalisateur Todd Haynes se penche sur ce sujet tabou en montrant les dommages collatéraux de cet amour. Il est toutefois plus intéressé par le rapport entre la fiction et la réalité que par le fait divers. Très ancrée dans le method acting, Elizabeth poussera loin sa recherche pour ressembler à son personnage. Selon elle, les rôles les plus sombres et complexes, de Médée à Hedda Gabler, sont les plus intéressants à jouer. Sans réaliser que sa propre quête de vérité dramatique cause plus de dommages que la réalité.

Critique des médias et de l’autorité morale, May December s’amuse à brouiller les cartes sans juger ses personnages. Gracie, Elizabeth et Joe sont tous prisonniers de leurs illusions. Dans la lignée des Bergman et Losey, Todd Haynes livre un film sombre et feutré, psychologiquement troublant, et porté par un duo d’actrices hors du commun.

Sortie limitée en salle ce vendredi et sur Netflix le 1er décembre.

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May December

Drame

May December

Todd Haynes

Natalie Portman, Julianne Moore, Charles Melton

1 h 57

7,5/10