N’ayant rien tourné depuis le remarquable Little Children, sorti il y a 16 ans, Todd Field (In the Bedroom) fait un retour en force avec TÁR, un film écrit spécifiquement pour Cate Blanchett. Cette dernière est d’évidence exceptionnelle dans le rôle d’une cheffe d’orchestre se consacrant entièrement à son art pour mieux effacer quelques épisodes d’un passé trouble.

Le scénario, que signe seul le cinéaste, aborde plusieurs thèmes très contemporains en prenant pour cadre le monde de la musique classique. Il y est notamment question de culture de l’annulation et du mouvement #metoo, mais TÁR est avant tout le portrait d’une femme talentueuse, consumée de l’intérieur autant par sa passion que par ses zones d’ombre. Dans ce cas, la musique peut ainsi devenir salvatrice. Ou malsaine, c’est selon.

On se surprend parfois à penser à La pianiste, de Michael Haneke (avec Isabelle Huppert), bien que les histoires soient complètement différentes. Même rigueur dans la pratique de l’art, même souffrance, parfois. Une austérité aussi.

Dès le départ, on sent bien que Lydia Tár ne conçoit pas son travail de manière traditionnelle. Première femme à devenir cheffe d’un important orchestre symphonique à Berlin, grande capitale de la musique classique, Lydia est également intéressée par les compositeurs contemporains et les musiques venues d’ailleurs.

Une approche complexe

L’approche qu’emprunte la musicienne pour l’exercice de son art est révélée lors d’une interview-conférence qu’elle accorde devant public, au cours de laquelle on peut relever la nature très complexe de l’artiste, tout autant que ses contradictions.

Alors qu’elle s’apprête à publier une autobiographie qu’elle a écrite elle-même, au moment où elle prépare également un cycle Mahler avec son orchestre, un premier écueil survient lors d’une classe spéciale que Lydia, au cours d’un voyage à New York, offre à de futurs chefs d’orchestre. Une discussion avec l’un des étudiants s’envenime quand ce dernier refuse d’écouter – encore plus de jouer – du Jean-Sébastien Bach, estimant que le comportement de cet homme blanc, hétérosexuel et misogyne, père de 20 enfants, ne correspond pas du tout à ses valeurs d’inclusion et de diversité. La réplique de Lydia est si cinglante que le jeune homme décide tout simplement de quitter la salle en proférant des injures bien senties.

PHOTO FOURNIE PAR UNIVERSAL PICTURES CANADA

Grâce à sa performance dans TÁR, un film de Todd Field, Cate Blanchett a obtenu un prix d'interprétation à la Mostra de Venise.

L’épisode pourrait être banal ; il ne l’est pas. Le scénario de TÁR est d’ailleurs construit de telle sorte qu’une accumulation d’évènements de ce genre, de la part d’une cheffe qui peut avoir tendance à être vraiment très exigeante, peut aboutir à des conséquences sur le plan professionnel, mais aussi dans la vie personnelle. La relation avec l’amoureuse, interprétée par Nina Hoss, risque notamment d’être mise à mal.

La musique occupe évidemment une place importante. Todd Field utilise à bon escient la trame musicale de la compositrice islandaise Hildur Guðnadóttir (Sicario, Joker), tout autant que la puissance d’un grand orchestre. Cela dit, le dénouement du récit, un peu surprenant, se greffe moins bien au reste de l’histoire, mais il reste que Cate Blanchett, qui réussit l’exploit de se réinventer à chaque rôle, livre sa partition en vraie virtuose.

Le prix d’interprétation attribué à l’actrice à la Mostra de Venise, au cours de laquelle une première version de ce texte a été publiée, n’a surpris personne tant il relevait d’une certitude.

TÁR est actuellement à l’affiche en version originale et en version française.

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TÁR

Drame

TÁR

Todd Field

Avec Cate Blanchett, Noémie Merlant, Nina Hoss

2 h 38

8/10