Carl et Yaya, mannequins et influenceurs, sont invités à faire une croisière sur un yacht luxueux en compagnie d’une clientèle milliardaire pour laquelle les membres de l’équipage répondent aux moindres caprices. Jusqu’au jour où une tempête se lève…

Le nouveau brûlot de Ruben Östlund n’a rien du film aimable. C’est comme si, en poussant le bouchon encore plus loin que dans Force majeure et The Square, ses deux longs métrages précédents, le plus récent membre du club sélect des doubles lauréats de la Palme d’or du Festival de Cannes s’était permis d’ouvrir toutes les valves pour déverser un torrent de boue sur le monde actuel. Ça peut être drôle, ça peut même servir d’exutoire. Il est cependant certain que cette longue éructation de 150 minutes, qui martèle son message à gros coups de massue, pourra aussi bien être appréciée avec enthousiasme par les uns que violemment rejetée par les autres.

À vrai dire, l’impression générale que laisse cette charge à fond de train sur les élites est que le cinéaste suédois vient de livrer son propre Temps des bouffons, en version plus luxueuse et plus trash. Du haut de son nuage, Pierre Falardeau ne renierait certainement pas cette façon spectaculaire d’illustrer le gouffre abyssal qui ne cesse de se creuser entre les ultrariches et ceux qui tentent de gagner leur vie comme ils peuvent. En dénonçant au passage le caractère immoral qui en découle. Mais la scatologie outrancière dans laquelle tombe la mise en scène était-elle la meilleure façon d’en faire la démonstration ? Le débat est lancé.

Si la manière est discutable (les spectateurs trouvant insupportables les scènes de vomi – registre Monty Python – devront pratiquement fermer les yeux pendant toute la deuxième partie du film !), force est toutefois de reconnaître la puissance de ce récit divisé en trois actes. Harris Dickinson et la regrettée Charlbi Dean excellent dans les rôles de deux jeunes influenceurs se retrouvant sur une croisière de luxe au milieu de milliardaires à qui l’on ne refuse rien, pas même leur vision dystopique du monde. Dommage que l’acte final, pendant lequel les rôles s’inversent après un naufrage sur une île déserte, se révèle trop étiré et moins maîtrisé sur le plan narratif que les deux précédents.

Rappelons par ailleurs que cette comédie satirique très grinçante a remporté, non sans un soupçon de controverse, la Palme d’or du Festival de Cannes plus tôt cette année. Les discussions ont sans aucun doute dû être très animées au sein du jury...

Triangle of Sadness (Sans filtre en version française) est actuellement à l’affiche en version originale avec sous-titres français. La version doublée en français prendra l’affiche le 28 octobre.

En salle

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Triangle of Sadness (V. F. : Sans filtre)

Comédie satirique

Triangle of Sadness (V. F. : Sans filtre)

Ruben Östlund

Avec Harris Dickinson, Charlbi Dean et Woody Harrelso

2 h 30

7/10