Invité dans un village reculé au bout du désert pour accompagner la projection de l’un de ses films, un cinéaste israélien se jette désespérément dans deux combats perdus d’avance : celui pour la liberté d’expression et celui de sa mère face à la mort.

Le genou d’Ahed, aussi présenté au Québec avec des sous-titres anglais (Ahed’s Knee), est le quatrième long métrage du cinéaste israélien Nadav Lapid, le premier après le triomphe de Synonymes, lauréat de l’Ours d’or de la Berlinale il y a trois ans.

En partie autobiographique, le récit relate le parcours d’un cinéaste en rupture de sa société, que le besoin d’intégrité et de maîtrise absolue de son art mène vers une crise existentielle qui fera des dégâts. Tout comme Nadav Lapid l’avait fait lui-même en allant présenter son film L’institutrice dans un village du désert israélien il y a quelques années, le protagoniste du Genou d’Ahed, magnifiquement interprété par le chorégraphe de danse contemporaine Avshalom Pollak, doit signer un formulaire destiné au ministère de la Culture, sur lequel sont précisés les sujets de discussion autorisés au cours de la séance de questions et réponses qui suivra la projection.

Cette forme de censure, juxtaposée à la maladie de sa mère, qui était aussi sa monteuse, a provoqué chez le cinéaste une réflexion l’ayant mené à éructer dans un état d’urgence et de révolte ce film brutal et sans compromis. La mise en scène, parfois survoltée, est également ponctuée de nombreuses ruptures de ton, notamment musicales, et le fossé entre le torturé cinéaste et la lumineuse fonctionnaire qui l’accueille dans ce village perdu au milieu du désert ne pourrait être plus large. Ni plus fatal.

Le titre de ce long métrage provocant fait référence à une jeune militante palestinienne à qui un soldat israélien a tiré une balle dans un genou avec l’intention de l’empêcher de marcher à tout jamais. Les mots que le cinéaste met dans la bouche de son alter ego sont par moments d’une violence inouïe envers le système établi par l’État hébreu. Tout le film revêt ainsi les allures d’une espèce d’exorcisme intellectuel auquel se prête un homme qui, comme l’affirme Nadav Lapid lui-même, est en train de faire le deuil d’une mère, mais aussi d’un pays. Et c’est très fort.

Lauréat du Prix du jury au Festival de Cannes l’an dernier, au cours duquel une première version de ce texte a été publié, Le genou d’Ahed est maintenant à l’affiche.

En salle

Le genou d’Ahed

Drame

Le genou d’Ahed

Nadav Lapid

Avec Avshalom Pollak, Nur Fibak, Michal Berkovitz Sasu

1 h 50

7/10