Depuis Toy Story, en 1995, Pixar a créé une riche variété d’univers ancrés dans la réalité ainsi que dans des mondes imaginaires. Après avoir plongé dans les profondeurs de la Riviera italienne avec Luca et s’être penché sur la vie d’un musicien de jazz new-yorkais dans Soul (Âme), le studio recule dans le temps, en 2002, sur les traces d’une écolière dynamique de 13 ans d’origine chinoise qui apprend à gérer ses émotions… à Toronto.

Les références à la spécificité canadienne sont amusantes à détecter, dans un film d’animation à la portée universelle, qui explore avec humour le passage chaotique de l’enfance à l’adolescence.

La réalisatrice Domee Shi, qui est née en Chine et a grandi à Toronto, s’est fait remarquer en 2018 avec son court métrage d’animation Bao, de Pixar, qui a remporté un Oscar, et qui illustrait les difficultés d’une mère à accepter que son fils vole de ses propres ailes. Dans Turning Red (Alerte rouge en version française), elle prend avec assurance les commandes de son premier long métrage d’animation, devenant la première réalisatrice chez Pixar à y parvenir en solo. Elle jette cette fois-ci un regard empreint d’empathie sur la relation entre une mère protectrice et sa fille de 13 ans en mal d’indépendance. Cette situation est loin d’être banale dans une famille d’origine chinoise habitant à l’ombre de la tour CN (souvent mise en évidence), et dont les attentes envers la jeune Mei sont immenses. Cette dernière doit exceller dans toutes ses matières, y compris les mathématiques et le français, où elle obtient la note Très bien (c’est d’ailleurs une des seules références à la langue de Molière).

IMAGE FOURNIE PAR PIXAR

Lorsque Mei est submergée par les émotions, elle se transforme en panda roux géant.

Sauf que la puberté survient soudainement et l’écolière si sûre d’elle, à qui Rosalie Chiang prête sa voix, est envahie d’émotions contradictoires. Lorsque celles-ci deviennent intenses, l’adolescente se transforme, à son grand désarroi, en un panda roux géant. Elle apprend graduellement à contrôler l’émergence de l’immense bête poilue, avec l’aide de ses trois meilleures amies. Le quatuor est inséparable et a en commun un amour inconditionnel pour les membres d’un groupe de musique pop, 4*Town.

Cet élément est loin d’être fortuit, puisque l’action est campée en 2002, pendant l’âge d’or des boys bands comme Backstreet Boys et ‘N Sync. L’engouement de Mei et de ses amies pour le groupe les incite à faire tout en leur pouvoir pour assister à son concert. Leur enthousiasme est palpable et leur innocence ressort, dans un scénario écrit avec finesse par Domee Shi et Julia Cho.

La mère, Ming Lee, surprotectrice, aurait pu avoir un rôle ingrat. Elle est plutôt attendrissante et drôle, grâce à Sandra Oh (Killing Eve, Grey’s Anatomy). Chaque inflexion de sa voix reflète l’amour qu’elle éprouve pour sa fille et l’angoisse qui la tenaille à l’idée qu’il lui arrive du mal.

Les émotions à fleur de peau de l’adolescence collent parfaitement à la facture visuelle du long métrage d’animation, qui témoigne de la passion de la réalisatrice Domee Shi pour les animes. L’univers dépeint est d’ailleurs celui de la jeune Mei, que ce soit le quartier chinois où elle habite, le temple familial dont elle prend soin avec sa mère, l’école qu’elle fréquente ou les rues de Toronto qu’elle emprunte. Son monde est chaleureux, empreint de teintes pastel et de couleurs vives, comme le vert et le rouge, et les allusions à ses racines asiatiques abondent. La scène où son père prépare un repas est particulièrement belle.

Quant aux allusions à la nationalité canadienne des personnages, celles-ci sont glissées çà et là. Le haut de pyjama et la tuque de laine de Mei arborent par exemple des feuilles d’érable, une enseigne à l’extérieur de son école annonce la tenue du mois de l’histoire des autochtones canadiens, une boîte de trous de beigne Timbits se trouve au milieu de mets chinois, etc. Il y a même une allusion fort amusante à Céline Dion. En filigrane apparaît aussi le caractère multiculturel des grandes villes canadiennes.

Certaines scènes, qui reflètent la peur que Mei ressent, et ses appréhensions seraient intenses pour des tout-petits. Mais l’œuvre, qui met de l’avant trois chansons de Billie Eilish et FINNEAS, dont une particulièrement accrocheuse, est foncièrement positive et joyeuse. Elle résonnera autant auprès des ados que des adultes, qui auront du plaisir à se reconnaître. Certains regretteront même un peu de ne pas avoir été ainsi guidés, quand ils traversaient eux-mêmes cet âge critique.

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Turning Red (V. F. : Alerte rouge)

Film d’animation

Turning Red (V. F. : Alerte rouge)

Domee Shi

Avec les voix de Sandra Oh, Rosalie Chiang

1 h 40

7/10