On peut difficilement regarder Profession du père sans éprouver un certain malaise. C’est un peu comme si le cinéaste Jean-Pierre Améris (L’homme qui rit, Les émotifs anonymes) ne s’était pas résolu à se fixer sur la bonne tonalité pour raconter une histoire très dramatique, laquelle ne l’est cependant pas encore aux yeux d’un garçon de 12 ans.
En adaptant la première partie du roman autobiographique de Sorj Chalandon, consacrée à son enfance, le réalisateur fait ainsi écho à un monde inventé de façon complètement farfelue par un homme mythomane, héros aux yeux de son fils, dont la pathologie est manifeste. En résulte un déséquilibre faisant en sorte que la part plus fantaisiste du personnage – attachante d’une certaine façon – prend le pas sur une réalité dont on sait d’avance qu’elle ne pourra déboucher sur autre chose qu’un drame.
Bien sûr, ce dispositif scénaristique est conçu pour traduire l’amour éperdu qu’un fils éprouve pour un père qui lui raconte son passé glorieux de chanteur populaire, de champion sportif, d’espion, et même de conseiller personnel de De Gaulle, ce général qu’il exècre aujourd’hui parce qu’il s’apprête à reconnaître à l’Algérie son autodétermination.
Dans ce cadre évoquant la France du début des années 1960, Benoît Poelvoorde se glisse avec aisance dans la peau d’un personnage hors norme, aimant et psychopathe (parfois même à l’intérieur d’une même scène), face à Jules Lefebvre, excellent dans le rôle du garçon. Plus effacée, Audrey Dana interprète une mère soumise à son mari, qui tente de recoller les pots cassés comme elle peut.
Dans ce film en rupture d’équilibre, on pourra aussi établir des liens avec notre époque sur le plan de l’émergence de théories du complot et de leurs transpositions dans la vie réelle. Mais il ne laissera pas de trace indélébile pour autant.
En salle
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Profession du père
Jean-Pierre Améris
Avec Benoît Poelvoorde, Jules Lefebvre, Audrey Dana
1 h 45