Depuis sa séparation d’avec Roxanne, Joseph s’est muré dans une forteresse de silence. Pire encore, il a séquestré leur fils Mathieu et vit avec ce dernier dans sa propriété de campagne, un reliquat de cabane à sucre. Cette cohabitation conduit Mathieu sur de mauvais chemins.

Emmanuel Tardif est visiblement un fonceur. Le jeune réalisateur a fait ses études en cinéma de 2016 à 2019 à l’Université Concordia, revendique deux longs métrages au compteur, est en train de monter sa troisième fiction et planche sur un premier documentaire. Rien que ça !

Mieux encore, M. Tardif a visiblement quelque chose à dire et n’hésite pas, pour s’exprimer, à passer par une certaine radicalité. Pour ne pas dire une radicalité certaine.

Soumissions, son deuxième film, constitue en effet une proposition tranchante et osée, qui balaie, bouscule et balance dans le vide nos bonnes valeurs. Face à ce qu’ils verront, certains spectateurs vont sans doute vouloir tourner le dos et s’enfuir. Non pas parce que c’est mauvais. Mais parce que ça fait mal.

Ici, Joseph a mal à l’âme. Cette âme, si elle existe encore, est un trou noir. Et au lieu de la soigner, Joseph la passe, comme un témoin dans une course à relais, à son fils qui verse dans le mimétisme comportemental du paternel.

De là le pluriel du titre. Soumissions est en quelque sorte un syndrome de Stockholm filial, en forme de rage. On présume que le cinéaste a voulu, à sa façon, remettre en question, explorer une certaine condition humaine, et parfois inhumaine, en ce début du XXIe siècle.

Pour ce faire, il a choisi de faire appel à Martin Dubreuil. Qui mieux que ce dernier peut incarner Joseph ? Dubreuil ne joue pas. Il est.

En entrevue, nous l’avons taquiné sur le degré de difficulté qu’il a eu à apprendre son texte. Parce qu’en fait, son personnage marmonne, grogne, s’exprime par monosyllabes et, la plupart du temps, se tait. Pour lui donner la réplique, le réalisateur a trouvé en Félix Grenier un comédien parfaitement habité et apte à exprimer toute une gamme de sentiments dans son seul regard.

Les trois actrices du film, Charlotte Aubin, Léa Roy et Lucette Chalifoux, défendent aussi leur rôle avec conviction.

Réalisé avec un petit budget, ce deuxième long métrage d’Emmanuel Tardif est un ovni fort intéressant. Un exercice de dépouillement mené à l’extrême pour mieux nous faire vivre les sentiments intérieurs vécus par chacun des personnages.

En salle.

Soumissions

Drame psychologique

Soumissions

Emmanuel Tardif

Avec Martin Dubreuil, Félix Grenier et Charlotte Aubin

1 h 10

7/10