Les critiques de notre envoyé spécial sur la Croisette.

France, de Bruno Dumont : la critique des médias tombe à plat

D’abord connu grâce à des œuvres hyperréalistes comme La vie de Jésus ou L’humanité, Bruno Dumont aime rebattre ses cartes de temps à autre, qu’il s’attaque à la comédie loufoque, avec Ma Loute et P’tit Quinquin, ou au drame historique revisité, avec Jeanne. France est un film mitoyen, pas tout à fait drame réaliste ni satire vraiment mordante. C’est un peu comme si le cinéaste avait eu du mal à choisir une ligne directrice claire. Léa Seydoux incarne une journaliste célèbre prénommée France, vedette d’une chaîne d’infos continues où elle présente des reportages-chocs où elle se met beaucoup en scène elle-même. Jusqu’au jour où, prise à son propre jeu, elle se voit forcée de mûrir une réflexion sur son métier. Comme il arrive trop souvent dans les films où l’on recrée des journaux télévisés et des émissions d’affaires publiques, cet aspect de l’histoire sonne faux. Les personnages, dont celui qu’incarne Blanche Cardin dans le rôle de la productrice, sombrent souvent dans la caricature, sans toutefois jamais atteindre le degré qui ferait passer le récit du côté de la satire grinçante. La critique des médias attendue tombe ainsi un peu à plat. Au Québec, France sera distribué par la société K-Films Amérique. On prévoit une sortie cet automne.

Haut et fort, de Nabil Ayouch : hip-hop au Maroc

Premier cinéaste marocain en lice pour la Palme d’or, Nabil Ayouch (Much Loved) s’amène avec un film où les messages l’emportent sur le cinéma. Rendant hommage à ces centres culturels qui lui ont été d’un précieux secours pendant son adolescence, le cinéaste suit le parcours d’Anas (Anas Basbousi), un ancien rappeur embauché par le centre culturel de Sidi Moumen, quartier populaire de la banlieue de Casablanca. Le musicien incite ainsi les jeunes à s’exprimer à travers le rap et ainsi libérer leur parole, sans tenir compte du poids de certaines traditions. Effaçant pratiquement la ligne entre la fiction et le documentaire, Haut et fort vaut surtout pour sa portée sociale, mais l’ensemble, dynamique au demeurant, n’évite pas le piège du didactisme et le moralisme bon teint. Cela dit, cette façon de mettre en musique les aspirations et l’engagement politique de jeunes personnes qui, comme partout ailleurs, partagent des idéaux d’équité et de justice sociale reste séduisante. On saura aussi gré à Nabil Ayouch d’avoir laissé une place équitable aux rappeuses.