Ça commence avec un gros accord de guitare électrique. Lourd, vibrant, très rock. Le deuxième long métrage d'Éric Morin, dont La chasse au Godard d'Abbittibbi avait beaucoup séduit il y a six ans, annonce d'entrée de jeu ses couleurs.

Nous sommes Gold sera imprégné de cette ambiance, un peu à la Nick Cave, de laquelle émane un spleen existentiel et collectif. Même si on pense alors entrer dans un univers décoloré de plusieurs nuances de gris, ce film, étonnamment, ne sombre jamais dans la déprime. La dynamique liant les trois personnages principaux - des amis - est même plutôt tonique, d'autant qu'elle repose sur de joyeuses retrouvailles.

En revenant dans la petite ville minière abitibienne qu'elle a quittée il y a longtemps pour aller faire une carrière de rockeuse dans un band européen, Marianne (Monia Chokri) retrouve en effet son monde «d'avant», où rien ne semble avoir changé, mais où, pourtant, plus rien n'est pareil.

L'effondrement d'une mine, qui a tué 53 personnes 10 ans plus tôt, et dont une seule est ressortie vivante, a traumatisé la petite communauté. Plusieurs plans aériens (superbes images de Jean-François Lord), où l'on montre l'immense espace qu'occupe le trou de la mine, indiquent bien la démesure de l'évènement, tant sur le plan physique que psychologique.

Le récit s'attarde principalement sur Marianne, qui n'a jamais vraiment pu faire son deuil, Christophe (Emmanuel Schwartz), dont le père fut mêlé à l'aspect juridique de la tragédie, et Kevin (Patrick Hivon), le seul survivant de l'effondrement de la mine.

La musique réunissait ces trois amis à l'époque; c'est elle qui les réunit à nouveau aujourd'hui. À cet égard, il convient de souligner les pièces musicales, signées Philippe B, qu'interprète principalement Emmanuel Schwartz. Celles-ci collent parfaitement au propos et à l'ambiance, même si l'époque dans laquelle le récit est campé n'est jamais précisée.

Un portrait très juste

Au-delà des histoires personnelles des trois protagonistes, Nous sommes Gold se distingue aussi grâce au portrait de cette petite communauté que dessine Éric Morin. Originaire de ce coin de pays, le cinéaste illustre parfaitement comment se tissent les liens mais aussi les rivalités dans un tel contexte.

La veille des cérémonies organisées pour souligner le 10e anniversaire de la tragédie, des tensions se révèlent. Et, toujours, cette impression de rester figé dans le souvenir et la peine qu'elle entraîne - le trou de la mine est si gros - plutôt que de pouvoir passer à autre chose, même une décennie plus tard.

Monia Chokri, qui incarne le personnage symbolisant la fuite et le désir immédiat d'aller vivre ailleurs, est parfaitement crédible en musicienne désabusée, tout comme l'est Emmanuel Schwartz dans celui du fils de bourgeois, aujourd'hui enseignant, qui canalise sa vérité dans sa musique.

Cela dit, Patrick Hivon vole la vedette grâce à une performance tendue sur un fil, par laquelle, sans trop charger, il exprime toute la rage intérieure - et extérieure parfois - d'un homme à jamais troublé par sa propre survivance.

* * * 1/2

Nous sommes Gold. Drame d'Éric Morin. Avec Monia Chokri, Patrick Hivon, Emmanuel Schwartz. 1h40.

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IMAGE FOURNIE PAR FUN FILM DISTRIBUTION

Affiche du film Nous sommes Gold