Digne héritier d'Éric Rohmer, Emmanuel Mouret a établi sa réputation grâce à ses variations des jeux de l'amour et du hasard qui, bien que campés dans un univers contemporain, distillaient toujours un aspect joliment suranné. Un baiser s'il vous plaîtL'art d'aimerCaprice, autant de longs métrages dans lesquels le cinéaste explorait à la fois les méandres et les exaltations du sentiment amoureux.

Pour son neuvième long métrage, Mouret aborde pour la première fois le «film d'époque». Et ça lui va très bien.

En adaptant le roman Jacques le fataliste et son maître, de Denis Diderot, dont Robert Bresson a tiré son fameux film Les Dames du bois de Boulogne il y a bien longtemps, le cinéaste trouve à la fois les mots et la manière pour traduire au mieux la joute sentimentale cruelle que Diderot dépeint.

Laquelle n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle de Liaisons dangereuses, qu'écrira un peu plus tard Pierre Choderlos de Laclos. Si les dialogues se démarquent d'abord grâce à leur finesse et à leur élégance, ce film donne aussi l'occasion à Emmanuel Mouret de dessiner de très beaux traits de mise en scène.

Cécile de France se glisse avec une belle aisance dans le costume de madame de la Pommeraye, une aristocrate maintenant veuve, qui, malgré son jeune âge, semble avoir fait une croix sur une éventuelle relation amoureuse. Elle résiste en effet avec superbe aux avances du marquis des Arcis (Édouard Baer, impeccable), un libertin notoire, réputé pour ses nombreuses conquêtes, auquel elle finira pourtant par céder.

La nature du marquis étant ce qu'elle est, madame de la Pommeraye, par lassitude ou trahison, orchestre cependant un stratagème machiavélique par pure vengeance. Seront impliquées dans l'affaire, à leur insu, bien sûr, mademoiselle de Joncquières (Alice Isaaz), jeune courtisane de qui le marquis tombera fou amoureux, ainsi que la mère de cette dernière (Natalia Dontcheva).

Pour les admirateurs de films français de facture plus classique, Mademoiselle de Joncquières est un régal. 

Campé dans des décors somptueux, ce «film de salon», qui relève davantage du fantasme qu'on se fait d'une époque - la fin du XVIIIe siècle en l'occurrence - , distille un bel équilibre entre le fond et la forme. 

On savoure d'abord la beauté des mots et l'éclat des répliques, mais Mouret maîtrise aussi élégamment la façon dont il organise l'espace dans lequel les personnages évoluent. D'où l'utilisation de très beaux plans-séquences, au cours desquels le regard du spectateur est aussi attiré par des détails révélant, à leur façon, la nature des protagonistes.

Aussi, le cinéaste n'aurait pu choisir meilleurs interprètes. Cécile de France explore un registre différent et module à la perfection un rôle où elle manie à la fois le charme et la perfidie. 

Face à elle, Édouard Baer trouve un personnage à sa mesure, dandy d'époque auquel il apporte une vraie profondeur. 

Laure Calamy se distingue aussi dans le rôle d'une amie que Mouret a inventée pour l'occasion, et fille et mère de Joncquières apportent à cette histoire une gravité insoupçonnée.

Un bien beau film.

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Mademoiselle de Joncquières. Drame d'Emmanuel Mouret. Avec Cécile de France, Édouard Baer, Alice Isaaz. 1 h 50.

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Image fournie par K-Films Amérique

Mademoiselle de Joncquières