Pour son premier long métrage à titre de réalisateur, Louis Garrel recrée un trio déjà formé dans La règle de trois, un court métrage réalisé il y a cinq ans. La dynamique liant les personnages qu'interprètent Vincent Macaigne, Golshifteh Farahani et Garrel lui-même est toutefois modulée différemment, inspirée cette fois par un argument scénaristique directement tiré des Caprices de Marianne.

Avec l'aide de Christophe Honoré pour l'écriture du scénario, le cinéaste a transposé le point de départ de la pièce de Musset dans un contexte contemporain, tout en lui donnant le souffle des films de la Nouvelle Vague.

En faisant de l'un des personnages un figurant dans une production cinématographique évoquant les événements de mai 68, le clin d'oeil ne pourrait être plus clair. D'autant que Louis Garrel, fils du cinéaste Philippe Garrel (Les amants réguliers) et petit-fils du regretté Maurice Garrel, fut révélé en tant qu'acteur dans Dreamers, un film de Bernardo Bertolucci qui, justement, évoquait aussi cette époque.

Le récit est ainsi construit autour du personnage de Mona (magnifique Golshifteh Farahani), une jeune vendeuse dans une sandwicherie de la Gare du Nord qui, apprend-on très vite, doit respecter le soir le couvre-feu de la maison de détention où elle purge une peine d'emprisonnement. Énigmatique, fuyante face à un secret qu'elle n'ose révéler, Mona est aimée de Clément (Vincent Macaigne, touchant), un grand enfant qui, visiblement, l'aime trop. À tel point que ce dernier sollicite l'aide de son meilleur ami Abel (Louis Garrel) afin de résoudre un imbroglio sentimental passablement complexe. Évidemment, les choses se compliquent encore davantage quand Abel, séducteur invétéré, commence à en pincer lui aussi pour Mona.

Une fougue passionnelle

La véritable histoire d'amour du film, en fait, est celle qui lie les deux amis. Garrel traite cette amitié entre les deux hommes avec toute la fougue passionnelle qui caractérise habituellement les grandes histoires sentimentales. Il évoque du même souffle les mêmes dangers qui les menacent : l'usure du temps, les chemins qui empruntent des directions opposées, quitte à ne plus reconnaître en l'autre ce qui, au départ, avait pourtant séduit.

Des situations plus burlesques s'intègrent à des scènes franchement plus dramatiques sans qu'en souffre le récit. Sur ce plan, Garrel manie plutôt habilement les ruptures de ton. 

Le cinéaste insuffle aussi un bon dynamisme à l'ensemble (les personnages semblent prendre possession de la rue) et n'hésite pas non plus à lui donner un souffle romanesque. À cet égard, on ne peut passer sous silence la partition musicale du compositeur Philippe Sarde, vétéran dont l'impressionnant parcours est en outre associé à celui de Claude Sautet, un cinéaste qui a souvent abordé les thèmes de l'amour et de l'amitié.

Lancé l'an dernier à la Semaine de la critique du Festival de Cannes, Les deux amis marque de belle façon l'entrée de Louis Garrel dans le monde de la réalisation de longs métrages.

Les deux amis ***1/2De Louis Garrel. Avec Vincent Macaigne, Golshifteh Farahani, Louis Garrel. 1 h 42.

Photo fournie par Ad Vitam

Louis Garrel, Vincent Macaigne et Golshifteh Farahani

Image fournie par Ad Vitam

Les deux amis, de Louis Garrel