Oui, c'est un prince. Un duc au moins. John Waters a l'allure, le ton, le geste (et surtout la moustache) aristocratiques. Pourtant son cinéma relèverait plutôt du mouvement punk, l'a précédé même : des films qu'on dirait anarchistes et révoltés mais qui se moquent même de l'anarchisme et de la révolte. Chez Waters, tout est risible. La violence est une farce, le viol est un gag, le crime est une crotte.

Si le film This Filthy World retrace la carrière de l'excentrique cinéaste, il ne s'agit en rien d'un documentaire mais d'une allocution filmée. Délaissant de plus en plus, l'âge venant, les plateaux de tournage, Waters parcourt les salles de classe de l'Amérique pour y parler de son expérience du métier : ses «conférences», bien rodées et mises en scène (avec décor et musique) sont en vérité de véritables one man shows tout à fait délectables.

Impeccablement vêtu, l'air suave et toujours amusé, le «prince du vomi» (comme l'appelait son mentor H.G. Lewis, lui-même «parrain du gore») évoque la genèse de ses premiers films, dont évidemment Pink Flamingos, ses amitiés avec ses plus vieux complices (les «dreamlanders» Devine, Mink Stole, Edith Massey etc.), les stars qu'il a mis en scène (Johnny Depp, Tab Hunter, Tracy Lords), ses ennuis avec la censure, ses rapports au 7e art et ses influences personnelles (de William Castle à Kenneth Anger ; Waters est un esthète éclectique), ses films «grand public» (Hairspray, c'est de lui), tout cela entrecoupé de tordantes divagations à propos de la rectitude politique, de ses goûts et dégoûts personnels, de son homosexualité et de mille autres considérations «pas rapport.»

Parce que Waters est volubile, charmeur et généreux, il existe déjà sur le marché des DVD et des bouquins où l'iconoclaste se livre, toujours avec un humour et une gentillesse extraordinaires (malgré la «crudité» de certains propos), This Filthy World est donc principalement destiné aux fanas mais saura peut-être inviter quelques néophytes à découvrir son univers «trash» où l'odieux est célébré dans la bonne humeur.

Ce film sera présenté au Cinéma du Parc, du 20 juillet au 2 août, à l'occasion d'un excitant «spécial John Waters», rétrospective qui regroupe en quelque sorte l'essentiel du cinéaste : Pink Flamingos, Female Trouble, Polyester, Hairspray, Cry Baby, Serial Mom, Pecker, Cecil B. Demented et A Dirty Shame, tous des classiques aux yeux de ceux qui cultivent l'art du mauvais goût élitiste (la majorité de ces films seront présentés avec sous-titres français.)

S'ajoute au programme un documentaire bizarre, inquiétant mais étrangement touchant de Chris Metzler et Jeff Springer, Plagues and Pleasures on the Salton Sea, narré par John Waters. Salton Sea est un lieu d'Amérique des plus insolites, conçu d'abord comme refuge confortable pour les fortunés au début du siècle dernier puis lentement dévasté par la pollution. Cette mer artificielle devenue mer pestilentielle, aux rives de laquelle flottent régulièrement des milliers de poissons morts et gonflés, n'attire encore que des touristes fascinés par la beauté du désastre. Plagues and Pleasures recueille les confidences et les expériences des gens qui habitent encore la place et qui lui trouve, malgré la catastrophe, des merveilles mystérieuses.

This Filthy World

Documentaire de Jeff Garlin. Avec John Waters

Non pas un véritable documentaire mais une allocution filmée du célèbre maître du cinéma «trash», monsieur John Waters.

Une invitation au voyage dans l'univers insolite d'un cinéaste indiscutablement discutable.

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