Nitro, c'est un film d'action avec son lot de poursuites, bien sûr, mais c'est aussi un film d'amour... où la belle ne s'allonge pas sur les capots et où le comique se glisse dans la peau du méchant. Le réalisateur Alain DesRochers de même que les acteurs Martin Matte et Lucie Laurier nous en parlent.

Lucie Laurier: Du coeur au ventre

Alain DesRochers a toujours eu Lucie Laurier en tête quand il a pensé à Nitro. Pour lui, elle était Morgane. La comédienne le sait. Elle a eu entre les mains la première version du scénario de Benoît Guichard. Elle était intéressée. Et elle est d'autant plus satisfaite que le réalisateur et le scénariste ont tenu compte de ses commentaires dans le modelage du personnage.

«Elle a beaucoup changé au fil des réécritures, indique Lucie Laurier. Au départ, il y avait une agressivité et une vulgarité entre elle et Max qui m'énervait. Il était important, pour moi, qu'on comprenne pourquoi elle est sur la défensive, et pourquoi elle est qui elle est.» Elle est Morgane. Ancienne flamme de Max. Fille de feu. Et de chars. Pas de celles qui s'allongent sur les capots, mais de celles qui prennent le volant.

Et si Alain Desrochers a imaginé Lucie Laurier dans cette peau-là, c'est qu'il la connaît depuis l'adolescence. Il avait envie de mettre en valeur son côté tomboy, . «J'ai grandi à Longueuil, dans un milieu assez dur et j'aime cet aspect de moi», fait celle qui excelle au kick-boxing... et au ballet. C'est le côté dur de sa personnalité qu'elle exploite dans Nitro. «J'aime les filles qui ont de la force, du nerf. Morgane est comme ça. Rapide. Fonceuse.»

Pour elle, la comédienne a changé sa démarche, s'est «groundée» plus encore dans son corps. Afin de mettre de l'avant la solidité de ce personnage qui n'est absolument pas une victime. «Elle ne s'excuse pas de ce qu'elle est. Même si ça lui a peut-être coûté l'amour de sa vie.»

Qu'elle va revoir grâce à une coïncidence incroyable. C'en est une des très nombreuses de Nitro. Elles sont volontaires, assure Alain DesRochers. «On joue avec les clichés et les hasards, dit-il. C'est, aussi, un peu la thématique du film: rien n'arrive pour rien dans la vie.» Lucie Laurier y croit aussi. Pas pour rien si elle n'a pas peur de se jeter à l'eau. Chose qu'elle fait plutôt deux fois qu'une dans Nitro.

Martin Matte: Le méchant au coeur dur

Martin Matte ne rêvait pas de faire du cinéma mais avait bien envie, un jour, d'y toucher. Son rêve, c'était et c'est toujours l'humour sur scène. «De toute manière, quand tu as un show qui roule, tu es sur scène trois ou quatre fois par semaine. Donc, tu n'as pas de temps libre.»

L'offre d'Alain Desrochers - qu'il avait rencontré quand il a participé aux Bougons - est, en ce sens, arrivée au bon moment. D'abord, sa tournée était terminée. Ensuite, «le personnage qu'il me proposait est important mais il n'est pas très présent, ça me rassurait de ne pas avoir à... porter le film sur mes épaules», fait l'humoriste pince-sans-rire. «Et puis, c'est un contre-emploi total. Ça me plaisait.»

Bref, l'Avocat, qu'il incarne dans Nitro, est un vrai méchant. Qu'on le dise. Le répète. «Parce que je reçois des courriels, sur mon site, où les gens me disent: Comme ça, c'est comique, Nitro? Non, c'est pas comique!» En fait, c'est tout l'inverse. Action et drame. Et un propos qui l'a troublé. Parce que l'intrigue suit un gars qui décide de se faire justice lui-même. «Mais attention: le film prouve aussi que le crime ne paie pas», note Alain DesRochers.

C'est ce retour du balancier qui a convaincu Martin Matte de se joindre à la course. Il a répété le rôle. L'a trouvé dans la retenue et non dans la hargne. «Je parle très doucement, je joue petit et je pense que le personnage est plus inquiétant comme ça.» Le réalisateur a été d'accord. Là où il y a un début de divergence, c'est quant au look de l'Avocat.

«Ils me voyaient avec une perruque, se souvient Martin Matte. Je leur ai mentionné que juste en me voyant la face, les gens auraient le réflexe de rire. Si, en plus j'avais une perruque...» Il n'a pas eu besoin d'aller plus loin. Il arbore donc un crâne rasé, juste d'un plus près qu'en mode normal. Heureusement. On se souvient du désastreux essai capillaire fait sur Patrice Robitaille dans Cheech.

Alain DesRochers Dans le coeur de l'action

C'était la fin de l'automne 2000. Le réalisateur Alain DesRochers vivait une «petite frustration». Sa «comédie poético-romantique», La Bouteille, avait reçu d'excellentes critiques mais le public n'avait pas été au rendez-vous. Or c'est dans le but de rejoindre les gens qu'Alain DesRochers travaille.

Il s'est tourné vers la télévision. L'homme derrière un tas de clips et de campagnes publicitaires est aussi devenu celui qui tenait la caméra de séries telles Music-Hall, Les Bougons, Nos étés. Mais le désir de cinéma ne l'avait pas abandonné, comme le prouve la sortie, vendredi, de Nitro qui met en vedette Guillaume Lemay-Thivierge, Lucie Laurier et Martin Matte.

Un film entre autres d'action. «C'est arrivé il y a cinq ans, raconte Alain DesRochers. Il m'a pris une envie de réaliser ce genre de film-là. Peut-être parce qu'au Québec, il ne s'en fait pas.» Sauf que l'action pour l'action et la violence gratuite ne sont pas dans ses cordes. Il a donc greffé une histoire de coeur à l'intrigue. Le chronomètre qui rythme Nitro est en effet celui d'un coeur qui bat. Pour l'instant. Qui pourrait cesser à tout instant.

On suit donc Max (Guillaume Lemay-Thivierge), devenu Julien depuis qu'il s'est rangé et vit avec sa blonde et leur fils. C'est elle qui est malade. Dans l'attente d'un nouveau coeur, qui ne vient pas. Max décide de lui en trouver un. Coûte que coûte. Pour cela, il se tourne vers son passé. Celui des courses automobiles illégales. Celui, aussi, de la belle Morgane (Lucie Laurier), aussi à l'aise au volant qu'au poteau de danseuse; et de l'impitoyable Avocat (Martin Matte).

Bref, il y a cinq ans, Alain DesRochers et le scénariste Benoît Guichard ont commencé à développer le projet Nitro, dont le titre se réfère autant au carburant que l'on injecte dans les cylindres des moteurs qu'au stimulant que prennent les personnes ayant des problèmes cardiaques. Un titre idéal pour «un film d'amour où il y a de l'action».

Et où il y avait, au départ, «20 fois plus d'action», admet le réalisateur. Mais pour mettre le scénario original sur pellicule, il aurait fallu un budget de 20 millions. Il en a eu 7,2. Le nombre de scènes d'action et de cascades a donc été réduit. Et il a fallu mettre en beanle le système D. «Je ne pouvais pas, par exemple, tourner plusieurs fois les scènes d'accident. Je travaillais donc avec quatre ou cinq caméras pour les tourner en différents angles.» Après: la magie du montage. De plus, pour éviter toute perte de temps, donc d'argent, toutes les scènes d'action avaient été soigneusement storyboardées.

«Il a fallu que je me batte pour tout, souligne Alain DesRochers. Pas me battre contre mais avec. Il fallait que j'explique et que j'explique pour obtenir ce dont j'avais besoin.» Outre les éléments techniques, un certain élément humain. Guillaume Lemay-Thivierge, qu'il a dû «vendre» au distributeur Atlantis Alliance VivaFilm. Une réunion d'une heure et demie.

C'est qu'il n'y avait pas de buzz autour du comédien quand le réalisateur, pour l'avoir rencontré au festival de cinéma de l'Abitibi-Témiscamingue, l'a vu dans la peau de Max ce personnage qui a du DesRochers en lui: «C'est un délinquant qui se rend compte que ce n'est pas en retournant en arrière que tu peux avancer mais que c'est en avançant.» C'est ce qu'il fait, lui.