Jean-Marc Vallée a entrepris à Los Angeles la campagne de promotion en vue de la sortie prochaine de Wild, le film qu'il a tourné avec Reese Witherspoon. Notre journaliste a profité du voyage entre l'aéroport et son hôtel pour faire le point en sa compagnie.

Le hasard fait parfois bien les choses. Étant montés dans le même avion, pour se rendre au même endroit, pour y faire la même chose, Jean-Marc Vallée et le reporter de La Presse ont décidé de déroger au plan officiel prévu. Plutôt que de converser pendant quelques minutes à peine dans le cadre très formel de la rencontre de presse organisée par Fox Searchlight à Los Angeles, nous avons plutôt convenu de jaser un peu dans la voiture qui nous conduisait au chic hôtel Four Seasons depuis l'aéroport.

Alors qu'il vient tout juste de terminer à New York le tournage de Demolition, dont les têtes d'affiche sont Jake Gyllenhaal, Naomi Watts et Chris Cooper, le cinéaste québécois doit maintenant se remettre en mode Wild dans son esprit. Il assure aujourd'hui auprès des médias américains et internationaux le «service après-vente» du film qu'il a tourné l'an dernier avec Reese Witherspoon.

«Je n'avais pas pu le faire l'an dernier pour Dallas Buyers Club car le tournage de Wild avait lieu au même moment», fait-il remarquer.

Au programme dès son arrivée à l'hôtel: série d'entrevues collectives et individuelles avec les membres de la presse écrite. Le rituel médiatique se poursuivra pendant trois jours. Rencontres, entrevues avec les médias électroniques et spécialisés, événements plus officiels aussi, bref, le cinéaste en a pour trois jours intenses de promotion avec l'équipe du film avant de rentrer à Montréal.

«J'ai déjà eu mon entraînement au festival de Telluride et à celui de Toronto, indique le réalisateur de C.R.A.Z.Y. Je retrouverai mes marques sans doute très vite. Je dirais que le plus difficile dans ce genre d'exercice, c'est de commencer à parler d'un film, de trouver le vocabulaire. À force de faire partie de panels avec les autres, Reese, Laura Dern, etc., tout cela prend forme. Mais il vient quand même un moment où l'on préfère donner des entrevues individuelles chacun de son côté parce que les conversations risquent d'être alors un peu différentes. Quand nous sommes ensemble, on a tendance à répéter les mêmes choses aux mêmes questions!»

«Vivre le rêve»

À l'époque où il entretenait ses rêves de cinéma, Hollywood ne constituait pourtant pas un objectif précis à atteindre pour Jean-Marc Vallée. Or, le succès de Dallas Buyers Club et, surtout, les six nominations décrochées aux Oscars plus tôt cette année l'imposent assurément parmi les cinéastes dont le nom circule le plus dans les officines présentement.

«En ce moment, j'aime dire en anglais: «I am living the dream», lance-t-il. On me respecte à l'étranger, on me respecte chez moi, et je perçois qu'aux États-Unis, mon nom veut peut-être dire quelque chose dans l'industrie, surtout auprès des acteurs. Je sais que Fox Searchlight met beaucoup d'énergie sur Wild en ce moment en vue de la prochaine saison des récompenses. Je ne leur ai pourtant rien demandé en ce sens. J'embarque dans un jeu que j'ai déjà appris à apprivoiser grâce à Dallas Buyers Club. Là, je vais le vivre encore plus intensément, car j'étais en tournage l'an dernier.»

Parlant de tournage, Jean-Marc Vallée a terminé celui de Demolition il y a à peine plus d'une semaine. Filmé entièrement à New York, principalement à Manhattan, ce drame psychologique raconte l'histoire d'un jeune banquier investisseur (Jake Gyllenhaal) qui voit sa vie se désagréger à la suite de la mort tragique de sa femme. Ce dernier va alors déconstruire son existence dans un effort désespéré pour tenter de comprendre.

«Nous avons tourné en continuité de façon à ce que Jake puisse, comme le personnage du film, se laisser pousser la barbe et les cheveux, explique le réalisateur. Jake m'a beaucoup impressionné. Vraiment. Il fait quelque chose d'aussi puissant que dans Nightcrawler, même si c'est très différent. Il est beaucoup dans l'émotion.»

Même approche

Tourné avec un budget d'environ 15 millions, sensiblement le même que celui dont il a disposé pour Wild, Demolition s'inscrit dans la démarche du cinéaste de la même façon que ses deux autres films américains.

«Je ne dis pas que je vais toujours faire ça, mais j'aime cette approche, dit-il. Cette légèreté me donne plus de liberté, plus de rapidité aussi, et elle me permet une belle et grande collaboration avec les acteurs. Et ma gang québécoise me suit toujours: Marc Côté aux effets visuels, Yves Bélanger à la photo, et bien d'autres aussi. C'est plaisant de se retrouver d'un film à l'autre. On forme une famille.»

Jean-Marc Vallée tire en outre une fierté de pouvoir fabriquer un film comme il l'entend, et de pouvoir en faire la postproduction à Montréal.

«Je sens que j'ai trouvé ma niche, dit-il. Aux États-Unis, on me laisse faire. À leurs yeux, je fais un cinéma indépendant, un peu plus audacieux, pas du tout hollywoodien. Mes personnages ne sont pas polis, pas léchés. Je ne pratique pas le "beau" cinéma non plus et on semble apprécier ça. Je peux faire ici un cinéma qui me plaît sans avoir à me battre pour essayer de convaincre les gens.»

Coup sur coup, Jean-Marc Vallée a eu l'occasion de diriger quelques-unes des plus grandes vedettes du moment. Jusqu'à maintenant, il ne pourrait rêver mieux.

«Honnêtement, ça se passe super bien chaque fois, dit-il. Je me sens tellement privilégié de pouvoir travailler avec des acteurs comme Matthew McConaughey, Jared Leto, Reese Witherspoon, Jake Gyllenhaal, tous des gens qui se donnent, qui se dépensent sans compter, qui n'ont pas peur de sortir de leur zone de confort et qui n'hésitent pas non plus à essayer des trucs. Je n'ai jamais eu une seule crise de vedette à gérer!»

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Wild sortira au Québec le mois prochain (date toujours à confirmer). Les frais de voyage ont été payés par Fox Searchlight.

Quatre autres projets en marche

Alors que Wild s'apprête à sortir en salle et que Demolition vient à peine d'être mis en boîte, Jean-Marc Vallée compte au moins quatre autres projets à son programme.

Janis Joplin: Get It While You Can, États-Unis

«Ce projet est en train de se définir, mais je ne peux pas trop en parler, car il n'a pas encore été annoncé officiellement», commente le cinéaste. Dans les faits, les publications spécialisées ont fait écho à ce drame biographique dans lequel Amy Adams incarnerait l'égérie de Woodstock. En principe, le tournage devrait avoir lieu au cours des prochains mois.

Film sans titre, France

«Comme j'ai été plutôt occupé en 2014, nous avons dû suspendre ce projet pendant un moment, mais nous avons la ferme intention de nous y remettre très bientôt, Tonino et moi», indique Jean-Marc Vallée. Ce scénario original, coécrit avec le célèbre écrivain Tonino Benacquista, sera porté à l'écran en France et devrait être mis en chantier après Janis Joplin: Get It While You Can.

Shoe Business ou Temps magique, Québec

Après le film français, Jean-Marc Vallée reviendra tourner au Québec l'un des deux projets de films qui traînent dans sa besace depuis un bon moment. «Je ne sais pas encore lequel je choisirai entre les deux, mais il est certain que je reviens tourner chez nous en 2016 ou en 2017», insiste le cinéaste. Shoe Business, dont l'intrigue est campée en 1975, décrit l'amitié de deux hommes depuis l'enfance, qui se ressemblent en tous points, sauf dans la manière dont ils mènent leur vie sexuelle. L'un est bien marié et fidèle; l'autre est célibataire et à voile et à vapeur. Dans Temps magique, on retrouverait les personnages de ses courts métrages Les fleurs magiques et Les mots magiques 25 ans plus tard.

Du bon usage des étoiles, Grande-Bretagne, États-Unis

«J'ai une option sur les droits du roman de Dominique Fortier depuis 2009, indique Vallée. L'annonce de la découverte, récemment, d'un des navires de l'expédition Franklin dans le Grand Nord a relancé le projet. On est en train de tout mettre ça en place. J'ai bon espoir qu'un très grand scénariste vienne travailler avec nous. Il faudra trouver un espace pour faire de la place à ce projet, qui sera élaboré à Londres et aux États-Unis.»