Il a déjà été Nixon et Picasso à l'écran. Même si, en général, les personnages historiques ne lui font pas peur, Sir Anthony Hopkins n'a pas souscrit d'emblée à l'idée d'incarner le «maître du suspense», un cinéaste qu'il admire.

Pendant des années, le scénario de Hitchcock a fait partie de ceux sur lesquels le Tout-Hollywood a fantasmé, sans que le projet parvienne à se concrétiser. Le scénario de John J. McLaughlin (Black Swan), inspiré du livre de Stephen Rebello Alfred Hitchcock and the Making of Psycho, s'attarde principalement à décrire la relation qu'entretenait le maître du suspense avec sa fidèle femme et complice Alma Reville (Helen Mirren), particulièrement au moment de la fabrication de Psycho.

«Les producteurs m'ont contacté une première fois il y a huit ans pour me faire lire le scénario, rappelle Sir Anthony Hopkins au cours d'un entretien accordé à La Presse. Je trouvais le scénario intéressant, mais avais-je vraiment envie de jouer un gros bonhomme chauve? Chose certaine, je ne voulais pas prendre de poids. Le projet s'est promené. Quelques réalisateurs s'y sont intéressés, mais il a disparu au fil des ans, faute de financement adéquat. À la suggestion de mon nouvel agent, j'ai rencontré l'an dernier Sacha Gervasi, un cinéaste dont j'avais entendu parler grâce à son documentaire sur le groupe canadien Anvil. Sacha était très enthousiaste à propos du film et de ma participation. Au point où il m'a donné confiance. Il y croyait tellement que j'ai fini par y croire aussi!»

Un grand admirateur

Les personnages historiques n'ont pourtant jamais fait peur à l'inoubliable interprète d'Hannibal Lecter. Sir Hopkins, lauréat d'un Oscar grâce à sa saisissante composition dans The Silence of the Lambs, a notamment incarné Pablo Picasso devant la caméra de James Ivory (Surviving Picasso), de même que le président Richard Nixon devant celle d'Oliver Stone (Nixon). Alfred Hitchcock, c'est autre chose. Le maître est une icône, dont l'image est encore très présente à l'esprit des cinéphiles du monde entier.

«En général, je ne fais pas partie de ceux qui portent une dévotion extraordinaire à une personnalité, dit l'acteur gallois. Mais Hitchcock fait partie de ces artistes que j'ai toujours suivis. J'admire son oeuvre. Le premier film important que j'ai vu dans ma vie est The Lady Vanishes. À l'âge de

15 ou 16 ans, à la fin des années 50, j'ai vu Rear Window, Vertigo, etc. Je me souviens avoir vu Psycho à Manchester le tout premier week-end de sa sortie en Grande-Bretagne, en 1960. Je n'avais jamais eu si peur au cinéma! Je regardais aussi la série qu'il présentait à la télévision. Je présume que tous ces souvenirs se sont logés dans mon subconscient.

«Pour les besoins du rôle, poursuit-il, j'ai revu plusieurs films d'Hitchcock. Et je reste fasciné par le génie de cet homme. Il était un cinéaste brillant. Il avait la réputation de ne pas aimer les acteurs, mais je n'en crois rien. Il leur faisait justement assez confiance pour les laisser travailler par eux-mêmes. Vrai qu'il n'aimait pas les acteurs adeptes de la "méthode". "Ma caméra vous dira quelle est votre motivation", avait-il d'ailleurs dit à Anthony Perkins. J'aime en outre cette scène dans le film où il affirme être seulement un homme caché dans un coin sur un plateau. Il était capable de révéler la vérité d'un personnage d'un simple mouvement de caméra.»

Une scène improvisée

Dans l'une des séquences les plus marquantes de ce nouveau long métrage - outre la reconstitution de la célèbre scène de la douche (Scarlett Johansson reprend le rôle de Janet Leigh) -, on voit Alfred Hitchcock écouter derrière la salle les réactions du public pendant l'une des premières projections de Psycho. Dans la peau d'Hitchcock, Anthony Hopkins se transforme alors en chef d'orchestre qui module les cris de la foule au gré des notes stridentes de la partition musicale de Bernard Herrmann. Compositeur lui-même, l'acteur a su utiliser son talent de musicien pour cette scène.

«Dans le scénario, il était simplement écrit qu'Hitchcock était heureux des réactions du public et qu'il en était soulagé, précise Sir Hopkins. À partir de là, j'ai tout improvisé. Cette musique est prenante au possible. Et toujours aussi efficace. Cinquante-deux ans plus tard, je me suis retrouvé à prétendre être Hitchcock, qui écoute cette musique qui m'a tant fait frémir en 1960 dans une salle de Manchester. Ce fut une fête pour moi!»

Même si sa composition est d'évidence irréprochable, l'acteur a pourtant été saisi d'un doute permanent.

«Je n'ai jamais voulu voir la moindre image pendant le tournage, fait-il remarquer. J'aurais paniqué si je l'avais fait. J'avais le sentiment que ce que nous étions en train de fabriquer était correct, mais on ne sait jamais. Je me suis vu en Hitchcock il y a un mois seulement. J'ai été très heureux en regardant le film. Et surtout soulagé!»

Hitchcock prend l'affiche le 30 novembre en version originale et en version française.

Les frais de voyage ont été payés par Fox Searchlight.