Dans un futur proche, la population de l'Amérique du Nord se masse dans des mégalopoles où la violence est maîtresse et où des Juges tout-puissants, casqués et lourdement armés, font respecter la loi. Parmi eux, le vétéran Dredd et la novice Anderson. Ils sont incarnés par Karl Urban et Olivia Thirlby, dans Dredd 3D de Pete Travis, qu'Alex Garland a scénarisé. Rencontres sans masque.

La ville s'appelle Mega City One. Dans cette Amérique du Nord devenue un désert pourri par les radiations, elle s'étend de Boston à Washington D.C. Elle compte 400 millions d'habitants, 12 crimes graves y sont rapportés chaque minute, ce qui signifie 17 000 par jour. Les Juges - ces incorruptibles gardiens de la loi entraînés dès leur plus jeune âge à faire respecter l'ordre et à punir sur place les contrevenants (bref, ils sont juges, jurys et bourreaux) - ne peuvent s'occuper que de 6% d'entre eux.

C'est le monde de Judge Dredd, que John Wagner et Carlos Ezquerra ont créé en 1977 et que Karl Urban (The Lord of the Rings, Star Trek) a découvert à l'adolescence alors qu'il travaillait dans une pizzeria de Wellington. «J'étais un fan de science-fiction, alors j'ai accroché à l'univers de Mega City One et au personnage de Dredd, ce justicier hardcore du futur, représentant de la loi dans un monde où les règles ont changé», indiquait l'acteur néo-zélandais, que La Presse a rencontré pendant le Festival du film de Toronto et qui incarne l'implacable Juge devant la caméra de Peter Travis (Endgame).

Et ce, sans plus de pression que nécessaire malgré le regard souvent impitoyable des admirateurs: «Je me considère comme un fan, dit-il en souriant. Alors, je me mets déjà assez de poids sur les épaules pour ne pas me laisser distraire par les attentes des autres. Mon travail est de livrer la meilleure performance possible à partir du scénario.»

Lequel scénario a été écrit par un autre fan, Alex Garland (28 Days Later, Never Let Me Go). «J'avais 10 ans et j'ai été renversé par la violence sombre, viscérale et ironique de cet univers, se rappelle-t-il. Donc pour moi, le scénario devait refléter cela.»

C'est le cas. Dredd affiche ses couleurs, et elles sont sanglantes. Troublantes, également, à cause de la beauté des images que signe ici le directeur photo Anthony Dod Mantle (127 Hours, Slumdog Millionaire, Antichrist): «Si vous voulez faire un film d'action qui se distingue, engagez un artiste», affirme Alex Garland, qui a suivi avec passion les démarches du «dp» invité à explorer ici les possibilités du 3D.

Ce dont il ne s'est pas privé, entre autres dans les effets provoqués par la drogue au coeur de l'intrigue de Dredd: le Slo Mo, grâce auquel, comme son nom l'indique, les consommateurs vivent au ralenti des instants d'ivresse (c'est le but)... mais également, de terreur extrême. «Au lieu de pousser les choses hors de l'écran, Anthony a voulu les faire aller vers l'intérieur de façon tellement extrême que cela sollicitait les yeux au point de faire mal, poursuit le scénariste. Mais ça collait tellement à l'histoire que nous avons pensé, pendant un moment, nous rendre vraiment là.»

Ils ne l'ont pas fait. Mais le résultat est tout de même stupéfiant et, en effet, sert à merveille cette histoire dans laquelle Dredd et Anderson (Olivia Thirlby, de Juno), Juge novice et mutante (elle est un médium), arrivent à Peach Trees, un immeuble abritant 60 000 personnes, la plupart sans emploi, et contrôlé par Ma-Ma (Lena Headey), chef de gang implacable qui supervise la fabrication du Slo Mo. Un homicide multiple rattaché à cette drogue a d'ailleurs été commis, d'où la présence des deux Juges en ces lieux. Ce sera eux deux contre tous (ce qui n'est pas sans rappeler le récent The Raid: Redemption).

Bref, les pouvoirs d'Anderson leur seront utiles, malgré tout le scepticisme de Dredd quant à sa minuscule collègue: «Dredd est noir et blanc alors qu'Anderson existe dans une zone grise, car elle sait non seulement ce qui est, mais aussi ce qui se trouve dans la tête des gens. C'est cette combinaison qui va faire de leur collaboration, au départ pas évidente, quelque chose d'efficace», explique celle qui, contrairement à son partenaire, avait le «droit» d'enlever son casque de Juge.

Dredd ne l'ôte jamais à l'écran. Parce qu'il ne l'ôte jamais dans les pages des comic books. «Ce serait comme si Batman, dans une adaptation cinématographique, allait devant les caméras et dévoilait sa véritable identité: ça n'aurait pas de sens», fait Alex Garland, appuyé à 100% en cela par Karl Urban. Même si, pour ce dernier, cela signifiait de relever l'immense défi de jouer sans utiliser le plus puissant des «outils» de l'acteur, le regard. «J'ai dû apprendre à me servir des autres: ma voix, mon attitude physique. Je pressentais que ce serait un défi, ça en a été un plus grand encore que ce que j'imaginais», fait celui qui a aussi été attentif à «ne pas jouer l'icône, mais l'homme sous le casque et l'uniforme».

Comme quoi, on est fan ou on ne l'est pas. Il l'est.

Dredd 3D (Dredd 3D) prend l'affiche le 21 septembre

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Juge Stallone

C'est un secret de polichinelle: sorti en 1995, Judge Dredd de Danny Cannon est un ratage complet. Sylvester Stallone, qui y campait le rôle-titre, a même été cité disant qu'il voyait là «une véritable occasion manquée, le gaspillage d'une idée au grand potentiel». Résultat: quand John Wagner, le cocréateur de cet univers, a reçu un coup de fil concernant une nouvelle adaptation pour le grand écran, il a été sceptique. Mais il a rencontré Alex Garland et les producteurs du possible film. Il a compris qu'ils avaient vraiment lu son oeuvre. Qu'ils la comprenaient et l'aimaient.

Alex Garland s'est alors mis à l'écriture. «À coup d'essais et d'erreurs, indique-t-il. Le scénario, qui a été tourné est le troisième que j'ai écrit, et chacun compte une bonne quinzaine de versions», note celui qui a eu le grand bonheur de travailler avec Karl Urban, qui - «C'est inhabituel chez les acteurs» - lui demandait de couper des mots et des lignes à ses répliques afin de mieux refléter le caractère taciturne du personnage. Cela peut rappeler Stallone, d'accord. Là s'arrête toutefois la comparaison entre Judge Dredd et Dredd.