Après Un fleuve humain (2006) et Intérieurs du delta (2009), le cinéaste Sylvain L'Espérance consacre un troisième documentaire au Mali avec la sortie de Sur le rivage du monde. Ce nouvel opus, qui sera en compétition au DOK.fest de Munich en mai, s'intéresse au sort de quelques migrants stoppés à Bamako dans leur course pour atteindre l'Europe.

Q : Qu'est-ce qui vous attire au Mali?

R : «J'ai fait un film sur la Guinée (La main invisible) dans lequel j'ai longé le fleuve Niger. J'ai constaté à quel point ce fleuve est important pour les Maliens. J'ai tourné Un fleuve humain et les films se sont enchaînés. Chaque fois, un nouveau projet naissait du précédent. J'aime aussi la capacité que nous avons de filmer en liberté au Mali.»

Q : En quoi cet opus est différent des précédents?

R : «Mes deux premiers films maliens étaient consacrés à des nomades libres de se déplacer. Ici, on rencontre des migrants qui vivent avec d'innombrables contraintes. Au lieu d'être en déplacement, ils sont stoppés. On l'oublie, mais la plupart du temps, les migrants sont arrêtés. Leurs déplacements sont très courts dans le temps. J'aurais pu tourner le film au Sénégal ou au Maroc, où la situation est semblable. Mais j'ai choisi Bamako, qui est un carrefour d'immigrants.

Q : À propos de Bamako, on a peu l'impression que le film se passe dans une capitale. C'est volontaire?

R : «Le film n'évoque pas la vie de Bamako, mais d'un quartier, et même d'une rue d'un quartier. Les migrants rencontrés ont très peu d'espace à eux. Ils ont trouvé celui-ci, où ils peuvent vivre et où on les tolère. Ils s'accrochent à cet espace. Ils sont des illégaux et chaque fois qu'ils essaient de faire quelque chose, c'est compliqué. Nous sommes donc ici dans un film statique.»

Q : Qu'est-ce que les personnages de votre film ont en commun?

R : «La résistance, le combat. Tu ne peux pas être un migrant sans être un battant. Ce sont aussi des gens qui refusent les conditions dans lesquelles ils vivent. Plusieurs ont étudié. Ils ont tous rêvé de gagner leur vie avec ce qu'ils ont appris, mais n'ont rien trouvé dans leur pays. Ça les amène à partir. Il y a dans leur histoire une dimension politique qui s'exprime à travers la pièce de théâtre qu'ils préparent et qu'on voit dans le film.»

Q : Que pensez-vous des événements récents survenus au Mali?

R : «Au cours des mois que j'ai passés là-bas pour ce film, j'ai vu les choses empirer. Je suis un peu soulagé de voir que le pire n'est pas survenu, mais je continue à être inquiet. La paix ne se gagnera pas facilement. Ce qui est survenu est issu d'une situation complexe que les Maliens n'ont pas vue venir. Dans le passé, les rébellions touarègues ont toujours été réglées. Mais là, la rébellion a coïncidé avec la tombée du régime.»

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Sur le rivage du monde sort en salle le 29 mars.