Invité à présenter ses films par le Museum of Modern Art (MOMA) de New York, Xavier Dolan en a profité pour faire part de ses ambitions américaines. La Presse l'a rencontré hier en marge de l'événement qui lui était consacré.

Xavier Dolan commence à être un habitué des invitations prestigieuses. Mais même lui ne s'attendait pas à recevoir une invitation du MoMA, une institution qu'il adore, pour présenter l'ensemble de ses films. «À 23 ans, se faire inviter par le MoMA pour faire une rétrospective de son oeuvre, c'est flatteur, mais il y a aussi un certain sentiment de ridicule. Tu te dis: "Ce ne sera pas très long comme rétrospective, j'ai juste fait trois films!"», confie-t-il en riant.

Blagueur, roi de l'autodérision, Xavier Dolan n'a pas manqué de charmer la salle - à guichets fermés - venue l'entendre discuter de sa filmographie lundi soir au MoMA. Invité dans le cadre de l'événement Canadian Front, le cinéaste a parlé aussi bien de ses débuts comme enfant-acteur que de sa première sélection à Cannes ou de ses ambitions américaines.

À New York pour quelques jours, le cinéaste enchaînait ensuite avec une offensive charme auprès de la presse. Dès 9 h, hier matin, il multipliait les rencontres aussi bien avec le Wall Street Journal que la presse gaie. Au menu: la sortie en juin de Laurence Anyways, probablement dans une douzaine de villes à travers les États-Unis.

Un brin amer du manque de succès de Laurence Anyways au Québec, le cinéaste préfère ne pas nourrir d'attentes quant à la carrière du film aux États-Unis. «Je pense que cette année m'a montré que rien n'augure du succès ou de l'insuccès d'un film. Miser là-dessus, c'est forcément courir un grave risque d'être déçu», explique-t-il, attablé dans un restaurant du Lower East Side, à New York.

Surtout, la difficulté d'attirer le public québécois à voir des films du Québec le conforte dans son intention de tourner un film «américain» pour rejoindre un public plus large. Même si rien n'est encore confirmé, il espère pouvoir filmer son projet intitulé The Death and Life of John F. Donovan dès l'an prochain.

Ce film, qui devrait être une coproduction canado-britannique, raconte l'histoire d'une star américaine qui est impliquée dans un scandale sexuel et prise à partie par la presse à potins, après avoir découvert que son partenaire a échangé de la correspondance avec un tout jeune Britannique.

Même s'il ne s'agira pas d'un film formaté façon Hollywood, Xavier Dolan croit qu'il possède un fort potentiel commercial. À ses yeux, le sujet de la célébrité, du show-business et un bon casting d'acteurs devraient permettre d'attirer un large public «susceptible d'acheter le magazine People», précise-t-il.

Plus qu'une simple réaction aux difficultés du cinéma québécois en salle, le désir de Xavier Dolan de réaliser un film «commercial» tient aussi beaucoup à son amour du cinéma américain. Lors de l'événement qui lui était consacré lundi soir, le réalisateur a d'ailleurs surpris son auditoire en dévoilant des clips de films qui l'ont influencé.

Alors que la salle s'attendait à voir des extraits de Rohmer, Truffaut ou Almodovar, le réalisateur a notamment choisi de montrer des scènes de Titanic et de Batman Returns.

Enthousiaste à l'idée de réaliser son projet en anglais, le cinéaste précise toutefois que deux autres projets verront le jour avant. D'abord, son thriller Tom à la ferme, dont il finalise le montage, et un autre film, sans titre ni scénario pour l'instant, qu'il compte filmer à l'automne, au Québec.

La fin du Canadian Front au MoMA

Créé il y a 10 ans au MoMA par le conservateur canadien Laurence Kardish, l'événement Canadian Front était devenu un rendez-vous annuel pour découvrir les talents émergents du Canada, à New York.

Outre Xavier Dolan, Sébastien Rose ou François Delisle cette année, des dizaines de cinéastes canadiens y ont présenté leurs films dans le passé.

Mais voilà: Laurence Kardish a pris sa retraite l'automne dernier et le chef conservateur du département de films, Rajendra Roy, considère qu'il est temps de tourner la page.

«Cette année était importante. On voulait vraiment poursuivre pour une 10e année. C'était une manière de dire que le musée s'engage à encourager le cinéma canadien, mais il y a de nombreuses manières dont on peut faire ça», précise M. Roy.

Si le conservateur-chef se dit encore en réflexion quant à l'avenir de cet événement, il reconnaît que Canadian Front ne reviendra assurément pas sous sa forme actuelle en 2014.