Assise sur un banc de parc par une froide matinée d'automne, la jeune Ariane Legault fixe la cour d'une petite école. Chantal, son personnage, a fui la ville et s'est arrêtée au bout de la terre, en Gaspésie. C'est dans cette région, au bord de la Baie-des-Chaleurs, que la réalisatrice Catherine Martin et son équipe ont tourné Une jeune fille.

Le film raconte l'histoire d'une adolescente qui survit entre une mère malade et un père chômeur. À la mort de sa mère, elle fuit sa ville de banlieue et se rend en Gaspésie. Après avoir erré pendant plusieurs jours, elle est recueillie par Serge (Sébastien Ricard), agriculteur taciturne qui l'amène vivre sur sa ferme. Une ferme en déclin dont il refuse de se départir, au grand dam de sa soeur Laura (Marie-Ève Bertrand).

«C'est le récit d'un apprivoisement, souligne Catherine Martin, qui réalise ici son quatrième long métrage de fiction. C'est l'histoire de deux êtres très seuls qui apprennent à vivre ensemble. Ils s'attachent l'un à l'autre d'une manière fraternelle, qui n'est pas charnelle.»

Selon la réalisatrice, il ne faut pas voir dans leur relation quelque ambiguïté que ce soit. «Je crois qu'il existe des gens qui ont de la bienveillance pour une autre personne, ce n'est pas nécessairement de l'amour, ce n'est pas nécessairement du désir.»

Sébastien Ricard compare Chantal au Survenant du roman de Germaine Guèvremont. «C'est quelqu'un qui débarque, qui survient, observe-t-il. C'est carrément une apparition. C'est une personne qui semble tombée du ciel et qui va transfigurer la vie de Serge.»

Après une semaine de tournage sur la Rive-Sud de Montréal, l'équipe a déménagé ses pénates en Gaspésie, principalement à New Richmond, où se trouve le lieu de tournage principal du film: une vieille ferme à la peinture défraîchie louée à un couple de l'endroit. Doté d'un budget de 2,2 millions, le film a été réalisé avec une équipe réduite, vu les frais de déplacement engendrés par le tournage. Certains des 25 membres de l'équipe ont dû cumuler les rôles.

Une jeune fille est le troisième film tourné en Gaspésie cette année. Un hasard, selon la réalisatrice, qui travaille à ce projet depuis quelques années. Ceux qui connaissent l'oeuvre de Catherine Martin ne s'étonneront pas de la voir en Gaspésie. Dans Une jeune fille, comme dans Trois temps après la mort d'Anna, tourné à Kamouraska, la nature occupe une place prépondérante. «On fait toujours un peu le même film!», lance en riant la cinéaste.

Tourner à l'extérieur amène toutefois son lot de désagréments. Les journées raccourcissent et le froid s'installe. «Chantal n'est pas beaucoup habillée», constate Ariane Legault (Pour l'amour de Dieu, Apparences, L'affaire Dumont), celle que tout le monde sur le plateau appelle affectueusement «La petite».

La scène où elle plonge la main dans l'eau glacée de la rivière, sous la supervision d'un infirmier, a été particulièrement éprouvante.

Mais, «La petite» ne se plaint jamais. Patiente et attentive aux directives de Catherine Martin, elle épate tout le monde sur le plateau. «Elle a quelque chose de sans âge dans son visage, s'émerveille Marie-Ève Bertrand. Elle a des yeux de husky. Elle est mystérieuse. Elle est vraiment un bel ovni dans l'univers.»

Ariane Legault avoue toutefois avoir trouvé le tournage difficile. Celui-ci coïncidait avec une période d'examens et chaque semaine, l'élève de troisième secondaire devait rouler une dizaine d'heures pour rentrer à Montréal assister à ses cours pendant deux jours. «La troisième semaine, j'étais pas mal fatiguée, j'étais à bout», confie-t-elle en ajoutant toutefois ne pas regretter d'avoir accepté le rôle. Après 29 jours de tournage, l'équipe est rentrée à Montréal cette semaine. La sortie du film est prévue à l'automne 2013.

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Les frais de ce voyage ont été payés par Films 53/12 et Coop Vidéo de Montréal.



Une peintre sur grand écran


Catherine Martin laisse peu de journalistes entrer sur son plateau. Minutieuse et très concentrée, «dans sa bulle», comme dit Ariane Legault, elle réalise un film comme d'autres peignent un tableau. «Chaque plan est un tableau, illustre Sébastien Ricard. Chaque scène n'est pas coupée par un million d'axes et de champ contrechamp. Souvent, tu as un seul plan fixe.» Mais un plan fixe qui peut être repris maintes et maintes fois. «C'est une réalisatrice très exigeante, qui sait ce qu'elle veut et qui veut ce qu'elle veut, constate Ariane Legault. Elle n'a pas peur de reprendre pour avoir ce qu'elle veut. On peut en faire, des prises!» Marie-Ève Bertrand admire la capacité de la réalisatrice d'aller à l'essentiel. Pendant le tournage, elle simplifie constamment les dialogues. «Dans les films de Catherine, il y a relativement peu de mots. Avec elle, c'est comme si on enlevait les couches d'un oignon et qu'on allait à l'essentiel.»