Une cinéaste canadienne aussi membre de l'Académie américaine du cinéma dénonce la nouvelle politique mise en place pour tenter de lutter contre la discrimination envers les minorités visibles aux Oscars.

Nancy Beiman, de Burlington, en Ontario, est membre depuis 20 ans de l'académie, dans la section courts métrages et films d'animation. Elle soutient que les mesures annoncées vendredi écarteront les voix des membres plus âgés de l'académie, qui apportent pourtant une perspective très intéressante au scrutin.

L'Académie du cinéma, des arts et des sciences a indiqué vendredi que les membres devront maintenant afficher leur nom au générique d'un film au cours des 10 prochaines années s'ils veulent pouvoir conserver leur droit de vote aux Oscars par la suite.

L'Académie a apporté ces modifications alors que pour la deuxième année consécutive, aucun acteur ou actrice en nomination aux Oscars n'est issu de minorités visibles. Certaines vedettes de Hollywood, dont le réalisateur Spike Lee et les acteurs Will Smith et Jada Pinkett-Smith, ont annoncé qu'ils boycotteraient la cérémonie, le 28 février.

Mme Beiman, âgée de 58 ans, s'est dite «choquée et blessée» par cette directive, qui ne définit pas suffisamment, selon elle, ce qui constitue un «membre actif» de la profession. Ainsi, la cinéaste d'animation depuis 37 ans enseigne aujourd'hui au collège Sheridan et collabore à des scénarios sans que son nom ne figure nécessairement aux génériques de films.

Elle demande à la présidente de l'Académie, Cheryl Boone Isaacs, pourquoi faire porter ainsi le blâme sur les membres les plus âgés de l'association pour un problème de nominations, alors que c'est le mécanisme de nominations qui est défaillant.

Le réalisateur canadien Norman Jewison, souvent finaliste aux Oscars, comprend son point de vue mais convient que l'académie est composée de «trop nombreux hommes blancs plus âgés».

«Je crois que l'âge moyen des membres votants est de 63 ans, ce qui est pas mal vieux - cela veut dire que beaucoup de membres votants sont soit à la retraite, soit peu actifs dans la profession», a-t-il estimé.

Mme Beiman soutient que la nouvelle directive est particulièrement injuste pour certains genres cinématographiques, comme le sien, où les artistes mettent parfois des années avant de voir un film sortir en salle.

Elle rappelle par ailleurs qu'en tant que femme, elle fait aussi partie d'une minorité visible au sein de cette industrie. «On ne répare pas une injustice par une autre.»