Rachel Mwanza traversera l'Atlantique afin d'assister à la cérémonie des Oscars, dimanche soir, où le film québécois Rebelle court la chance de remporter la statuette du meilleur film en langue étrangère.

La jeune comédienne congolaise âgée de 16 ans vient tout juste de recevoir les visas l'autorisant à entrer sur les territoires américain et canadien, a confirmé mercredi la boîte de production Item 7, qui travaillait là-dessus depuis quelques semaines.

La lauréate de l'Ours d'argent de la meilleure actrice à la Berlinale de 2012 foulera ainsi le fameux tapis rouge en compagnie du réalisateur Kim Nguyen et des producteurs Marie-Claude Poulin et Pierre Even, entre autres. Elle accordera également des entrevues aux médias américains dans le cadre de la promotion de Rebelle, qui sortira le 1er mars au sud de la frontière.

«Elle était excitée et m'a écrit ce matin sur Facebook qu'elle portait maintenant du 9 1/2 et non du 9 comme pointure», raconte Jeannette Garcia, de la boîte Item 7.

Le voyage outre-Atlantique de la jeune femme ne se limitera pas à un saut en Californie: elle sera en effet de la soirée des prix Écrans canadiens à Toronto, le 3 mars, et de la cérémonie de remise des prix Jutra à Montréal le 17 mars.

Rachel Mwanza prendra donc jeudi un vol en partance de Kinshasa, en République démocratique du Congo, d'où elle est originaire et où le long métrage Rebelle a été tourné à l'été 2011.

Enfant de la rue, elle avait déjà été repérée dans un documentaire par Kim Nguyen et ses producteurs, qui l'ont recrutée une fois arrivés dans la capitale congolaise.

L'équipe du film a depuis plié bagages, mais sans jamais perdre le contact avec la jeune sensation, qui a également remporté les grands honneurs d'interprétation au Festival du film de Tribeca l'an dernier à New York.

«C'est «le fun» de voir qu'elle n'a plus les défis de juste survivre dans la rue, mais qu'elle a une vie. Elle veut un meilleur téléphone, elle veut mettre des photos sur Facebook et il faut la gronder en lui disant qu'on peut mettre certaines photos et d'autres pas... C'est une vraie ado», racontait Kim Nguyen lors d'un récent entretien.

Improvisation et intuition

Rachel Mwanza ne savait pas lire ou écrire le français au moment du tournage de Rebelle. Le cinéaste québécois a misé sur l'intuition de la jeune femme et multiplié les sessions d'improvisation afin d'en arriver au résultat que l'on a vu au grand écran.

La jeune femme suit maintenant des cours de français sous la houlette de Marie «Maman» Dilou, qui faisait également partie de la distribution du long métrage.

Car celle qui a prêté ses traits à la jeune enfant soldate Komona dans Rebelle est fort intéressée par l'idée de poursuivre sa carrière d'actrice. Elle devra cependant parfaire sa maîtrise de la langue avant d'y parvenir, estime Kim Nguyen.

«Elle n'est pas vraiment prête, avance-t-il. Elle a un niveau de lecture et de compréhension de texte qui équivaut au primaire, donc ce serait difficile de lui proposer des scénarios pour qu'elle comprenne la subtilité d'un personnage à travers les lignes.»

Les producteurs et le cinéaste se sont engagés à payer pour l'éducation de Rachel Mwanza et à défrayer les coûts de son logement d'ici à ce qu'elle atteigne l'âge de 18 ans. C'était une façon pour eux, de laisser un héritage à la jeune actrice - à défaut de pouvoir «sauver tout le monde», relève Kim Nguyen.

«C'était pas ça le but. Le but, c'était de faire le meilleur film possible, expose-t-il. Mais quand on était au Congo, bien sûr, on s'est vite rendu compte qu'il fallait le faire de la façon la plus éthique possible (...) Je pense qu'on est allés au bout de ce qu'on pouvait faire en supportant Rachel sur une base de quatre ans.»

Les producteurs Marie-Claude Poulin et Pierre Even, qui ont également gardé contact avec la Congolaise - ils communiquent notamment par l'entremise de Facebook -, sont du même avis que le réalisateur.

«On s'est questionnés beaucoup là-dessus. C'est sûr que tu penses que tu as une responsabilité, mais à un moment donné, il a fallu qu'on fasse des choix. Notre choix, ça a été de dire qu'on allait aider Rachel», fait valoir M. Even.

Sa collègue ajoute que de l'équipement a été laissé sur place, mais aussi que les équipes locales ont tiré profit de l'expertise d'artisans comme Nicolas Bolduc (directeur de la photographie), Emmanuel Fréchette (direction artistique) ou encore Éric Poirier (costumier).

«Le film a dépassé le tournage, résume Mme Poulin. C'est plus gros que nous. C'est quelque chose qu'on ne pourra jamais répéter.»

Il y a fort à parier que Rachel Mwanza tiendra des propos similaires pour décrire son expérience dans la mecque du cinéma américain lors de son retour en Afrique. Elle doit partir de Montréal le 21 mars pour rentrer au bercail.