(Los Angeles) Dans un avenir proche, les Américains s’affrontent au cours une seconde guerre civile sanglante : si Civil War est une fiction, le film veut lancer le débat sur le populisme et le schisme grandissant au sein de la société américaine.

Projeté en avant-première la semaine dernière au festival SXSW, le film sort le 12 avril dans les salles américaines et raconte l’histoire d’un président confronté à une sécession de la Californie et du Texas.

En tête d’affiche, l’actrice Kirsten Dunst incarne une journaliste parcourant une société fracturée, où le FBI a été démantelé et des drones militaires attaquent des civils américains.

PHOTO JACK PLUNKETT, ARCHIVES INVISION, FOURNIE PAR ASSOCIATED PRESS

Kirsten Dunst

Pour le magazine The Atlantic, le film « résonne de manière inconfortable » avec la scène politique actuelle marquée par la division.

Mais ce scénario est-il plausible ?

Donald Trump a été critiqué récemment pour avoir plaisanté sur le fait qu’il serait un « dictateur » dès « le premier jour » en cas de second mandat. Il est également poursuivi en justice pour avoir tenté d’inverser les résultats de la présidentielle de 2020. Et Joe Biden, candidat à sa réélection en novembre, a accusé son prédécesseur d’épouser « la violence politique ».

Dans une enquête menée en 2023 par les instituts Brookings et PRRI, 23 % des Américains interrogés estimaient que « les vrais patriotes américains pourraient être contraints de recourir à la violence pour sauver (leur) pays ».

« Sabotage »

Mais pour William Howell, professeur de sciences politiques à l’université de Chicago, s’il y a lieu de s’inquiéter de la montée de la violence politique, un conflit armé de grande ampleur n’est pas à l’ordre du jour.

Des réponses à des questions vagues dans un sondage ne reflètent pas nécessairement la réalité et comment les citoyens pourraient se comporter, a-t-il ajouté.

L’arène politique américaine a rarement été aussi divisée, mais le supposé schisme dans la société est « exagéré », explique William Howell.

« Je ne pense pas que nous soyons au bord d’une guerre civile », ajoute-t-il, évoquant plutôt « l’érosion des pouvoirs étatiques, le sabotage des administrations, et la désaffection du grand public » comme raisons de cette polarisation.

Tout cela peut être vrai, « sans que nous commencions à nous massacrer » comme entre 1861 et 1865, lors de la guerre de Sécession.

L’auteur Stephen Marche estime au contraire que les États-Unis représentent « un cas d’école d’un pays allant tout droit à la guerre civile », mais pas comme dans Civil War.

Son livre The Next Civil War utilise des modèles de science politique pour avancer cinq scénarios qui pourraient déclencher un conflit armé de grande ampleur aux États-Unis.

Parmi ces scénarios : des milices hostiles à l’État affrontent les forces fédérales, un président est assassiné…

Pour certains, la violence politique « devient acceptable et dans un certain sens, inévitable », car ils « ne pensent pas que leur gouvernement est légitime », affirme Stephen Marche.

« Chaos fragmentaire »

Mais il est peu probable que l’on assiste à une guerre entre deux zones géographiques distinctes, comme lors de la guerre de Sécession entre le Nord et le Sud, dit l’auteur.

Le plus vraisemblable ? « Un chaos fragmentaire », dit Stephen Marche, similaire aux « Troubles » en Irlande du Nord à la fin du 20e siècle.

Dans Civil War, le réalisateur Alex Garland omet sciemment les sources du conflit ou l’idéologie à l’œuvre. Pour lui le film doit permettre « une conversation » sur la division de la société et le populisme.

L’action est centrée d’ailleurs sur le quotidien devenu horrible pour les Américains.

« Nous n’avons pas besoin d’être explicites. Nous savons exactement comment cela pourrait se produire », a souligné Alex Garland lors de l’avant-première du film à Austin, capitale du Texas.

Le « président à trois mandats » du film permet de dresser un parallèle avec la peur qu’ont de nombreux Américains en cas de réélection de Donald Trump.  

Ils craignent que le milliardaire républicain refuse de se plier à la Constitution qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels et de quitter le pouvoir après quatre ans.

Un scénario pas si invraisemblable « si vous le prenez au mot », assure William Howell. « Et je pense que l’on aurait tort » de ne pas croire en ses paroles.