(Paris) Tenu à l’écart du cinéma aux États-Unis depuis le mouvement #metoo, Woody Allen tente sa chance en Europe : son 50e film, en salles mercredi, est le premier tourné en français à Paris avec une distribution totalement tricolore, de Valérie Lemercier à Niels Schneider.

Coup de chance est une comédie française dans laquelle transparaît la patte de Woody Allen, façon Match Point : ses personnages s’aiment et se trahissent dans les beaux quartiers de Paris, au fil d’une variation sur l’amour et le hasard.

Le cinéaste de 87 ans, qui a si souvent tourné dans les films qu’il écrit, incarnant un personnage d’intellectuel dépressif à l’humour acerbe et plein d’autodérision, n’apparaît cette fois-ci pas à l’écran.

Il laisse sa place à des interprètes français : Fanny (Lou de Laâge) et Jean (Melvil Poupaud) sont un couple de grands bourgeois à qui tout semble réussir. Lui est un homme ombrageux, elle se sent parfois à l’étroit dans un quotidien de réceptions mondaines et de parties de chasse.

Fanny va tomber par hasard sur son amour de jeunesse, Alain, interprété par Niels Schneider, écrivain qui mène une existence plus bohème, se laissant entraîner au gré du courant et entamer une relation avec lui.

Valérie Lemercier amène une dose de fantaisie en campant la mère de Fanny, qui la première va se douter de leur liaison, et précipiter les évènements.

« Comme un Européen »

Travailler avec des acteurs français n’a pas été difficile, a assuré Woody Allen à la Mostra de Venise, où le film était présenté début septembre hors compétition, expliquant que les interprètes pouvaient s’adresser à lui en anglais.

Quant à les diriger, « rien qu’avec le langage du corps et les émotions des acteurs, je peux me rendre compte s’ils sont justes ou non », a-t-il assuré.

« On avait entendu que Woody dirigeait très peu » ses acteurs, « ça n’a pas été du tout le cas », a ajouté Lou de Laâge. « Woody savait très bien ce qu’il avait écrit. La musicalité est la même dans toutes les langues quand il s’agit de vérité ».

Tourner en Europe est loin d’être une première pour le cinéaste new-yorkais, qui a déjà posé sa caméra à Londres, Rome ou Barcelone, ainsi que dans la Ville lumière, dans Minuit à Paris (2011), mais avec une distribution tricolore et anglo-saxonne.

« Je me suis senti comme un véritable réalisateur européen. J’ai vu tous ces films il y a des années, de Truffaut, Godard, Resnais, Renoir, je voulais appartenir à ce groupe, et faire des films en français. Je l’ai fait ! », a déclaré Woody Allen à Venise.

Maître de la comédie et de la satire sociale, multirécompensé, Allen trouve en tout cas de ce côté de l’Atlantique une tribune dont il est désormais privé dans son pays natal.

Le réalisateur d’Annie Hall, Manhattan ou Blue Jasmine ne tourne quasiment plus aux États-Unis, et le succès en salles s’est fait plus rare.

Il est surtout devenu pour certains l’un des symboles des violences sexuelles. Woody Allen a vu la quasi-totalité de la profession lui tourner le dos aux États-Unis après des accusations d’agression sexuelle lancées par Dylan Farrow, qu’il a adoptée, enfant, avec son ex-femme Mia Farrow.

Il n’est cependant pas inquiété ni poursuivi par les tribunaux. Et aucune enquête pour agression sexuelle le concernant n’a abouti.

Interrogé sur la possibilité de tourner à nouveau dans sa ville, il a préféré ironiser : « J’ai de très bonnes idées pour New York ! Si des types sortent de l’ombre et disent OK, on va financer votre film […] Si des gens sont assez fous » pour ça, « alors je ferai un film à New York ! ».