Dans une vidéo mise en ligne vendredi, Will Smith a présenté, pour la seconde fois, ses excuses à Chris Rock pour l’avoir giflé lors de la cérémonie des Oscars, le 27 mars dernier. Que doit-on penser de cette démarche ? La Presse en a parlé avec la stratège en communication Martine St-Victor.

« Il n’y a aucune partie de moi qui pense que c’était la bonne façon de se comporter à ce moment-là », a dit le comédien, désormais persona non grata aux cérémonies de l’Académie à Hollywood, dans un message viral sur YouTube. « J’ai des remords. »

La Presse a demandé à la stratège en communication Martine St-Victor si les nouvelles excuses du comédien étaient sincères ou pas, à son avis. « Impossible de répondre à cette question, parce que je ne le connais pas, je ne suis pas dans sa tête. Seuls ses proches peuvent en juger. Cependant, je peux juger du format et du contenu. Or, la production est impeccable. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Martine St-Victor, stratège en communication

Dans la vidéo de six minutes, Smith s’adresse directement à la caméra. Il est habillé tout en blanc, dans un décor épuré. « L’acteur nous regarde dans les yeux, répond à des questions du public judicieusement sélectionnées, parfois d’une voix tremblotante. Mais il n’en fait pas trop », estime l’analyste.

Pas juste du marketing

Martine St-Victor est consciente du caractère stratégique et du « timing » de ce mea-culpa. Chris Rock est actuellement en tournée et il revient souvent sur l’évènement dans ses spectacles. Will Smith a probablement envie de reprendre le collier un jour, bien qu’il n’ait aucunement besoin de travailler pour boucler ses fins de mois. « Smith devait et voulait nous donner sa version. Nous dire qu’il a essayé de joindre Rock en privé, mais que ce dernier n’est pas encore prêt à lui parler », dit-elle.

La directrice du cabinet de communication Edelman Montréal affirme que l’acteur a bâti, depuis des décennies, une image de proximité avec le public.

Smith aurait pu diffuser un communiqué de presse ou publier un texte sur les réseaux sociaux. Il a préféré utiliser l’image, son médium de prédilection, pour transmettre son message. Pour nous dire : “Je vous vois. Je vous écoute. Je vous réponds.”

Martine St-Victor, stratège en communication

Toutefois, aux yeux de Martine St-Victor, la vidéo n’est pas juste une entreprise de communication et de marketing finement planifiée. « Ça demande du courage et de l’introspection pour s’excuser publiquement. Il faut être appuyé par son entourage dans son cheminement vers le repentir. Il y a des personnalités qui ne s’excusent jamais. Gilbert Rozon, Éric Salvail ne se sont jamais excusés. La direction de Hockey Canada non plus. »

Dommages collatéraux

D’ailleurs, Will Smith a présenté ses excuses à sa famille et à celle de Chris Rock. « Quand il a giflé Chris, il nous a tous giflés. Il m’a vraiment giflée », avait déclaré la mère de Chris Rock à Us Weekly. Et aussi aux artistes sélectionnés aux Oscars pour avoir « volé et terni [leur] moment », dont Questlove qui venait de gagner un prix pour son film Summer of Soul : « Je n’avais pas réalisé combien de personnes avaient été blessées [par mon geste]. Et je n’aime pas décevoir les gens », ajoute l’acteur.

Les excuses évoluent avec les valeurs et les attentes de la société. Aujourd’hui, nous sommes dans une ère d’empathie.

Martine St-Victor

« Le pape est venu au Canada s’excuser auprès des Autochtones. Justin Trudeau s’excuse souvent à des groupes au nom du gouvernement. Et puis, notre époque a réinventé la manière de faire des excuses : on ne peut dire qu’on est désolé et passer tout de suite à autre chose, en espérant réparer les pots cassés. Il faut s’adresser directement aux victimes, aux gens qui souffrent, à ceux qui ont été blessés par nos actions, nos comportements », analyse Martine St-Victor

Selon elle, la vidéo de Will Smith reste un « baromètre » pour tester la réaction du public. Voir si la majorité de ses admirateurs lui ont pardonné, s’ils sont prêts à le suivre dans sa carrière. « À notre époque de polarisation, la vidéo ne fera pas l’unanimité, certes. Mais le travail de réparation est entamé », poursuit-elle.

Dans ses explications, Smith dit avoir beaucoup réfléchi et travaillé sur lui-même. Il veut devenir une meilleure personne. « J’ai fait une erreur et je ne veux pas me sentir comme de la merde. Je vais m’appliquer à mettre de la beauté pour rendre ce monde meilleur », lance l’acteur à la fin de son message.

Sur un tableau blanc accroché au mur derrière lui, on peut lire cette phrase : « Le monde est malade. L’amour est le remède. »