(Berlin) La Berlinale va tenter à partir de jeudi de tenir malgré tout son rang de festival majeur du circuit européen, avec une 72e édition dans les salles de cinéma de la capitale allemande, mais une compétition raccourcie à cause de la pandémie.

« L’expérience collective est au cœur d’un festival de cinéma », a martelé le directeur artistique Carlo Chatrian, témoignant de la volonté de tenir coûte que coûte une édition « en présentiel », après avoir été contraint de s’en tenir à un ersatz de festival, en ligne, l’an dernier.

En pleine vague de variant Omicron en Allemagne, la Berlinale a dû revoir ses ambitions : la course à l’Ours d’or ne durera qu’une semaine, jusqu’au 16 février, contre une dizaine de jours d’habitude, avec des jauges. Les festivaliers, même vaccinés, seront testés toutes les 24 heures.

Au total, le programme des longs métrages est réduit d’environ 20 à 25 % par rapport à une édition normale. Très peu de vedettes internationales sont annoncées, aucun blockbuster, notamment américain, n’est inscrit à une édition qui fera plus que jamais la part belle au cinéma d’auteur et à l’avant-garde.

Dix-huit films, dont sept signés par des réalisatrices, sont en compétition pour succéder au Roumain Radu Jude, qui a remporté l’Ours d’or 2021.

Les prix, dont ceux des meilleurs interprètes, attribués depuis l’an dernier indifféremment à un acteur ou une actrice, seront remis par un jury dirigé par l’un des maîtres américains du thriller, M. Night Shyamalan (Le sixième sens, Incassable).

À ses côtés, le cinéaste japonais Ryûsuke Hamaguchi, le Brésilien Karim Aïnouz ou le producteur franco-tunisien Saïd Ben Saïd.

La Berlinale retrouve en compétition une série de cinéastes renommés, parfois déjà primés, à l’instar du vétéran italien Paolo Taviani, 90 ans, avec Leonora Addio, son premier film depuis la mort de son frère et acolyte de toujours, Vittorio. Ils avaient ensemble remporté l’Ours d’or il y a dix ans.

En compétition également le Sud-Coréen Hong Sang-soo ou le Français François Ozon, autre habitué du festival qui lui avait décerné un Grand Prix du Jury en 2019 pour Grâce à Dieu. Il ouvre la compétition avec Peter von Kant, relecture libre de Rainer Werner Fassbinder.

Récit post-Bataclan

La présentation du premier long métrage autour des attentats du 13 novembre à Paris, centré sur un récit de survivant du Bataclan, sera forcément scrutée. Un año, una noche est signé de l’Espagnol Isaki Lacuesta, avec l’Argentin Nahuel Perez Biscayart et la Française Noémie Merlant.

La cinéaste Claire Denis sera pour la première fois en compétition, pour un film coécrit avec l’autrice Christine Angot (Avec amour et acharnement), et d’une manière générale le cinéma et les acteurs français (Juliette Binoche chez Claire Denis, Charlotte Gainsbourg et Emmanuelle Beart chez Mikhaël Hers, Isabelle Adjani chez Ozon…) seront très représentés.

En dehors de la compétition officielle, la Berlinale attend le sulfureux roi du « giallo » italien Dario Argento pour un nouveau film Occhiali Neri, où il dirige une nouvelle fois sa fille Asia, ou la dernière comédie absurde du Français Quentin Dupieux, Incroyable mais vrai.

L’actrice française Isabelle Huppert recevra un Ours d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.

En l’absence de très grosses vedettes sur le tapis rouge, avec un marché du film totalement dématérialisé, la Berlinale aura fort à faire pour prouver sa capacité à tenir son rang dans un calendrier mondial des grands festivals de cinéma très concurrentiel.

Également confronté à une vague d’épidémie, le festival américain de Sundance a dû se résoudre en janvier à une édition totalement en ligne.

Mais Venise a eu plus de chance et la Mostra a pu se tenir en septembre sur le Lido, attirant de grosses productions américaines dont Dune de Denis Villeneuve.

Cannes avait montré la voie dès juillet en renouant avec les paillettes, les projections sur la Croisette, et les défilés de vedettes. Et le plus prestigieux des festivals prépare déjà sa prochaine édition, de retour au mois de mai.