Après un an d’absence, le Festival de Cannes compte revenir en force le mois prochain avec une édition tenue dans les conditions les plus normales possible, c’est-à-dire en présentiel. Vingt-quatre longs métrages sont en lice pour la Palme d’or, dont plusieurs, de Wes Anderson à Nanni Moretti, en passant par Julia Ducournau, Jacques Audiard, François Ozon et bien d’autres, sont réalisés par les plus belles pointures du cinéma mondial.

Certains espoirs étaient fondés sur une possible sélection de Babysitter, de la Québécoise Monia Chokri, dont le nom revenait souvent dans la machine à rumeurs des médias spécialisés. Peut-être y aura-t-il une place pour ce film à la Quinzaine des réalisateurs ou à la Semaine de la critique, sections parallèles dont les programmations seront annoncées la semaine prochaine, mais il n’a pas été retenu dans la sélection officielle, annoncée jeudi par le délégué général du festival, Thierry Frémaux. Sur les 24 longs métrages qui se disputeront la Palme d’or, quatre portent la signature d’une réalisatrice.

La présence du Québec dans la sélection officielle se résumera donc à Aline, une coproduction entre la France et le Québec, présentée en primeur mondiale, hors compétition. Dans ce film de Valérie Lemercier, qui aurait dû prendre l’affiche l’an dernier, une distribution essentiellement québécoise, de laquelle se distinguent notamment Sylvain Marcel et Danielle Fichaud, entoure la réalisatrice, qui incarne elle-même la chanteuse Aline Dieu, directement inspirée de Céline Dion.

Le club sélect des cinéastes québécois ayant eu la chance de concourir pour la Palme d’or ne s’agrandira pas. Au cours des 74 années d’existence du festival, seuls dix d’entre eux ont eu droit à cet honneur : Michel Brault (Pour la suite du monde, 1963, et Les ordres, prix de la mise en scène en 1975), Pierre Perrault (Pour la suite du monde, 1963), Gilles Carle (La vraie nature de Bernadette, 1972, La mort d’un bûcheron, 1973, Fantastica, 1980), André Brassard (Il était une fois dans l’Est, 1974), Jean Beaudin (J. A. Martin photographe, prix d’interprétation féminine à Monique Mercure en 1977), Jean-Pierre Lefebvre (Le vieux pays où Rimbaud est mort, 1977), Denys Arcand (Jésus de Montréal, prix du jury en 1989 ; Les invasions barbares, prix du meilleur scénario et prix d’interprétation féminine à Marie-Josée Croze en 2003), Jean-Claude Lauzon (Léolo, 1992), Xavier Dolan (Mommy, prix du jury en 2014 ; Juste la fin du monde, Grand Prix en 2016 ; Matthias et Maxime, 2019), et Denis Villeneuve (Sicario, 2015).

L’embarras du choix

Pour élaborer sa sélection, un peu plus abondante que d’habitude afin de rattraper un peu l’année perdue, Thierry Frémaux a eu l’embarras du choix, plus de 2000 films ayant été soumis. Et vus.

PHOTO : FRANCOIS MORI, ASSOCIATED PRESS

Thierry Frémaux a annoncé la sélection du 74e Festival de Cannes lors d’une conférence de presse tenue au cinéma UGC Normandie, sur les Champs-Élysées à Paris.

L’idée de partir, de tout perdre, est quelque chose qui a beaucoup inspiré cinéastes et scénaristes.

Thierry Frémaux, délégué général du festival

En comptant les longs métrages retenus pour la compétition, ceux présentés dans la section Un certain regard (qui retrouve son sens original en privilégiant des œuvres réalisées par des cinéastes encore peu connus), les films sélectionnés hors compétition, en séance spéciale, en séance de minuit, et dans Cannes Premières, nouvelle section consacrée aux nouvelles offrandes de cinéastes renommés, la programmation est constituée de 64 longs métrages en tout.

Trois anciens lauréats de la Palme d’or se retrouvent de nouveau en lice pour le plus prestigieux laurier du cinéma mondial : Jacques Audiard (Dheepan en 2015) proposera Les Olympiades, avec Noémie Merlant, dont le scénario a été écrit par Léa Mysius, Céline Sciamma et le cinéaste. Apichatpong Weerasethakul, Palme d’or 2010 grâce à Oncle Boonmee, revient sur la Croisette avec Memoria, un premier film anglophone dont la tête d’affiche est Tilda Swinton ; et Nanni Moretti, 20 ans après avoir reçu la Palme grâce à La chambre du fils, lancera à Cannes Tre piani, film dont l’une des vedettes est Riccardo Scarmacio.

Le bal des vétérans

Plusieurs « habitués » sont aussi invités au bal. Aux trois titres déjà annoncés, Annette, de Leos Carax, The French Dispatch, de Wes Anderson, et Benedetta, de Paul Verhoeven, s’ajoutent ceux de plusieurs vétérans. Parmi eux : François Ozon (Tout s’est bien passé, avec Sophie Marceau), Sean Penn (Flag Day, avec Katheryn Winnick et Josh Brolin), Catherine Corsini (La fracture, avec Valeria Bruni Tedeschi et Marina Foïs), et Asghar Farhadi. Un héros marque d’ailleurs le retour en Iran du réalisateur d’Une séparation.

Aucune superproduction hollywoodienne ne sera lancée sur la Croisette, mais les longs métrages sélectionnés hors compétition sont néanmoins riches de promesses.

Outre Aline, on note De son vivant, un film d’Emmanuelle Bercot avec Catherine Deneuve et Benoît Magimel ; The Velvet Underground, documentaire sur le légendaire groupe par Todd Haynes ; et Stillwater, nouveau long métrage de Todd McCarthy (Spotlight) mettant en vedette Matt Damon et Camille Cottin. À Cannes Premières, nous serons curieux pour Jane par Charlotte, portrait que Charlotte Gainsbourg a fait de sa mère Jane Birkin, plus de 30 ans après celui qu’Agnès Varda lui avait consacré dans Jane B. par Agnès V.

Rappelons qu’après une année où il n’a pu avoir lieu en bonne et due forme, malgré l’annonce d’une sélection officielle 2020 (de laquelle Nadia, Butterfly, de Pascal Plante, a fait partie), le plus grand festival de cinéma du monde se tiendra exceptionnellement plus tard qu’à l’accoutumée, soit du 6 au 17 juillet.

Le jury sera présidé cette année par Spike Lee, premier président afrodescendant de l’histoire du festival, et une Palme d’or d’honneur sera attribuée à Jodie Foster.

Le 74e Festival de Cannes, qui s’ouvrira le 6 juillet avec la présentation d’Annette, de Leos Carax (avec Adam Driver et Marion Cotillard), sera évidemment soumis aux mesures sanitaires mises en place par le gouvernement français. La direction a en outre annoncé jeudi que 18 000 professionnels et journalistes étaient accrédités pour l’instant, alors que la Croisette en accueille habituellement près de 40 000.

« C’est une sélection très internationale, a souligné Thierry Frémaux. Certains cinéastes ne savent pas encore s’ils pourront venir. »

Consultez la liste de tous les films de la sélection officielle