C’est en s’inspirant du contexte exceptionnel provoqué par la pandémie de COVID-19 que Les 7 Doigts ont conçu leur nouveau spectacle En panne, lancé vendredi dernier… en version cinématographique. Une ode à la création au moment où le monde des arts vivants se relève péniblement de sa mise au tapis.

Ils s’apprêtaient à annoncer la présentation de leur nouvelle création sous le chapiteau planté à l’extérieur de la TOHU à la fin du mois de septembre dernier. Puis, le gouvernement Legault a annoncé le reconfinement du milieu culturel, et tous leurs espoirs se sont évanouis.

Le projet des 7 Doigts a finalement pu renaître il y a quelques jours, dans une version filmée. Non pas comme une captation traditionnelle de spectacle, ont précisé leurs créateurs, mais bien comme le tournage d’un film (d’une heure) en bonne et due forme. Dans ce même chapiteau, mais sans public.

Les deux cofondatrices des 7 Doigts, Gypsy Snider et Isabelle Chassé, qui signent la mise en scène et la réalisation d’En panne, ont choisi d’aborder de front le sujet de la pandémie et du confinement.

« De front, et de biais, précisait Isabelle Chassé au cours d’un entretien réalisé peu de temps après la création. On a puisé dans de vieux gestes théâtraux du Moyen Âge, comme les 11 coups frappés sur le plancher avec un brigadier pour marquer le début de la représentation, mais avec des bâtons de deux mètres de long qui serviront à maintenir les interprètes à distance, donc on se sert des règles de distanciation sociale comme moteur à la création. »

PHOTO FOURNIE PAR LES 7 DOIGTS

Guillaume Biron agit entre autres comme chef de piste dans En panne.

Au cœur d’En panne, on retrouve donc une troupe d’artistes formée à la suite d’une catastrophe jamais nommée, qui a entraîné la disparition de la culture telle qu’on la connaît aujourd’hui.

On est partis de la situation actuelle, et puis on a extrapolé en imaginant le pire, en supposant que la culture des arts vivants, qui souffre beaucoup en ce moment, était interdite, underground. Donc on a imaginé une troupe qui cherchera à survivre et à sauvegarder la culture du spectacle vivant en se produisant clandestinement dans un lieu à l’abandon.

Gypsy Snider

Dans cette mise en abyme magnifiquement filmée, on retrouve donc dix circassiens qui se présentent comme les gardiens des arts vivants. Rien de moins !

« C’est une troupe d’acrobates à l’ancienne menée par un chef de piste qui désigne les rôles, nous dit Gypsy Snider. On retrouve la reine de la soirée, un prince, la marquise, les siamoises, des chevaliers, deux esclaves, etc. et c’est vraiment dans ces vieilles traditions théâtrales qu’ils vont faire vivre une expérience de spectacle live au public. »

Les dix interprètes portent le couvre-visage lorsqu’ils ne peuvent être à deux mètres de distance, sauf pour les deux couples de la troupe, qui habitent sous le même toit. Clown, jonglerie, tissu aérien, anneaux chinois – à travers les fameux bâtons – et contorsion font partie des quelques disciplines qui sont explorées.

« On a un duo de contorsion où chacun des acrobates est protégé par une pellicule plastique, précise Isabelle Chassé. Donc, encore une fois, on se sert des restrictions pour nourrir notre créativité. »

Comme pour toute bonne pièce acrobatique des 7 Doigts, certains acrobates se lancent dans des envolées théâtrales, chantent et jouent de la musique live. Ils se sont entourés de plusieurs de leurs collaborateurs habituels, parmi lesquels Francisco Cruz et Frédéric Barrette au montage, Colin Gagné pour la création de la musique originale et Olivier Landreville pour le décor.

PHOTO FOURNIE PAR LES 7 DOIGTS

Maude Parent et Anna Kichtchenko sont deux artistes de cirque qui ont déjà collaboré avec Les 7 Doigts par le passé.

« Ça reste un spectacle ludique, nous dit Gypsy Snider, mais on est quand même dans un monde post-pandémie, avec un côté dark, Mad Max, rétrofuturiste. » « Les personnages se font croire qu’ils sont dans un monde aristocratique, mais leurs vêtements sont tout crades… » renchérit Isabelle Chassé.

Les deux metteures en scène et réalisatrices qui ont travaillé ensemble sur les pièces Réversible et A Muse, ont travaillé fort pour trouver le bon ton. « Je pense que le ton est juste, nous dit Isabelle Chassé. C’est une parodie, avec un côté surréaliste, mais c’est aussi touchant. On est en panne, mais on est face à une troupe qui veut trouver des solutions et s’en sortir. »

En panne est offert au Québec et en France sur le site lepointdevente.com jusqu’au 12 avril au coût de 15 $ par personne ou de 25 $ par famille, plus les frais de billetterie.