Le mystère plane autour de Falcon Lake, premier long métrage de Charlotte Le Bon. Sur le plateau de tournage, on évoque des histoires de fantômes, un côté très sombre et un peu étrange, avec un scénario accentué par la géographie des lieux, ce qui donne une toute nouvelle perspective au film. Nous nous sommes rendus sur place, à Gore, dans les Laurentides, pour y rencontrer l’équipe.

(Gore, Laurentides) On accède au plateau de tournage par une route qui serpente à travers les bois. Puis, à l’improviste, le vieux chalet où sont filmées une grande partie des scènes surgit dans la forêt touffue et enveloppante.

« On a cherché la maison pendant tellement longtemps, presque deux ans. On a visité des centaines de maisons », dit Charlotte Le Bon, coscénariste et réalisatrice de Falcon Lake, dont le tournage a été amorcé le 23 juillet.

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Charlotte Le Bon sur le plateau de Falcon Lake

La jeune comédienne québécoise, qui fait aussi carrière en France, séjourne dans sa maison des Laurentides depuis l’an dernier. Elle tenait à tourner au Québec son adaptation libre du roman graphique de Bastien Vivès, Une sœur.

« J’avais envie qu’une famille française vienne au Québec parce que c’est beaucoup plus déstabilisant que dans la BD, où les personnages passent l’été en Bretagne », dit-elle.

J’avais envie d’un côté un peu hostile et je trouve que la nature, ici au Québec, est à la fois sublime, luxuriante et un peu inquiétante. Donc, j’essaie de filmer et de créer ça.

Charlotte Le Bon, coscénariste et réalisatrice de Falcon Lake

En fin de compte, il aura fallu tricher un peu pour que la maison dans les bois réussisse à dépeindre sa vision : un autre décor de quai a été trouvé sur le lac Harrington pour donner l’impression que le marais qui borde le chalet se jette dans une grande étendue d’eau, et l’équipe de production y a ajouté une véranda construite avec des planches récupérées de vieilles granges voisines.

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Ajustement de l’éclairage à l’extérieur du chalet

Charlotte Le Bon travaillait au montage de son court métrage Judith Hôtel, en 2018, lorsqu’un de ses producteurs français l’a contactée avec la bande dessinée. « Je l’ai lue et je suis tombée en amour avec l’histoire, avec les personnages. J’ai dit : “On y va”, et tout de suite, je me suis lancée dans une première version. Ç’a été long avant de trouver la bonne version et ma propre voix à travers cette adaptation. J’ai ajouté un peu de mon univers, des histoires de fantômes, un peu d’étrangeté », raconte-t-elle.

Sont prévus 26 jours de tournage à un rythme « très militaire » qui donne à Charlotte Le Bon le sentiment de disputer un marathon. « J’ai vraiment l’impression de vivre une vie de sportive. Mais en même temps, à travers tout ça, il faut arriver à se relaxer pour pouvoir se laisser inspirer, pour rester dans la création, ne pas trop se laisser parasiter par tous les petits soucis qu’on peut trouver sur un plateau de tournage », dit-elle.

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Sara Montpetit incarne Chloé qui tisse des liens avec Bastien, jeune Français qui passe l’été au Québec avec sa famille.

Un été initiatique

Le film est un récit de passage à l’âge adulte (coming of age) qui explore les liens troubles qui se nouent entre Chloé (16 ans) et Bastien (13 ans) durant l’été que le jeune Français passe au Québec avec sa famille.

« C’est l’histoire de deux adolescents qui vivent des choses importantes et, à travers tout ça, il y a un drame qui va les transformer », avance Karine Gonthier-Hyndman, qui interprète le rôle de la mère de Chloé, Louise, et se dit absolument charmée par le fait de pouvoir tourner à la campagne, au bord d’un lac apaisant.

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Karine Gonthier-Hyndman interprète la mère de Chloé.

« Louise est une femme assez libre, qui a eu sa fille très jeune, et dans ma façon de l’aborder, ce que je trouve assez intéressant là-dedans, c’est de réfléchir à la dualité mère-fille, au rapport qu’on peut avoir quand on a eu un enfant très jeune et qu’on se sent encore jeune, qu’on a envie de vivre notre liberté, mais qu’on est un parent d’un enfant de 16 ans qui ne nous perçoit pas comme un parent parfaitement responsable, explique-t-elle. J’ai un rôle périphérique qui vient mettre en valeur le caractère de cette enfant en plein cœur de l’adolescence et qui vit une période difficile. »

L’actrice et comédienne dit avoir été happée par ce scénario qui explore les hauts et les bas de l’adolescence, le sentiment « d’ébullition » qu’on vit à cette période de notre vie où l’on est, selon elle, comme un volcan, habité par des pulsions de vie et de mort qui se côtoient.

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Monia Chokri joue le rôle de la mère de Bastien.

Pour jouer la mère de Bastien et de son petit frère Titi (incarné par le Québécois Thomas Laperrière, 6 ans), Charlotte Le Bon a choisi Monia Chokri, dont « l’espèce d’accent hybride » plaisait à la réalisatrice pour interpréter le rôle d’une Québécoise qui vit en France depuis longtemps.

Charlotte a la capacité de raconter une histoire avec une grande simplicité et ça, ça m’impressionne toujours. Et c’est intéressant de ne pas toujours montrer des mères qui sont complètement dévouées.

Monia Chokri

Sara Montpetit (la vedette du film Maria Chapdelaine) et Joseph Engel se partagent l’écran dans le rôle des personnages centraux avec une connivence toute naturelle, riant et plaisantant sur le plateau.

« L’équipe est extraordinaire, ce sont tous des jeunes ; c’est très excitant de travailler avec des gens hyper motivés qui ont juste envie de plonger dedans. Il y a un côté du scénario très sombre, un peu étrange, à la limite, qui m’a beaucoup plu. […] Et qui rend toute l’histoire beaucoup plus intéressante qu’on le pense. Charlotte est un peu étrange des fois et je l’aime pour ça ! », s’exclame la comédienne de 19 ans dans un éclat de rire.

Sitôt le tournage terminé, Joseph Engel, lui, retournera en France pour la rentrée scolaire, car contrairement à sa partenaire de jeu, l’adolescent rêve de poursuivre des études de droit plutôt que de faire carrière sur scène ou au cinéma. « Il y a une journée où j’ai dû passer presque toute la journée avec des habits mouillés alors qu’il faisait 12 degrés ; ce n’était pas une journée très agréable », raconte-t-il, sourire en coin.

Le tournage de Falcon Lake se poursuit jusqu’au 29 août dans les Laurentides. La sortie du film, dont la musique originale est signée Klô Pelgag, est prévue pour 2022.