Pour sa première entrée dans la compétition cannoise, après avoir obtenu un beau succès à la Quinzaine des réalisateurs en 2017 grâce à The Florida Project, Sean Baker creuse le même sillon.

Red Rocket, de Sean Baker

Une Amérique pas si glorieuse

En brossant le portrait de gens qui doivent mesurer toutes les options possibles pour arriver à survivre dans une société qui ne leur laisse guère de chances, le cinéaste américain fait écho à l’humanité de personnages coincés dans un monde brutal. C’est le cas de Mikey Saber (Simon Rex), acteur de films pornos qui, après avoir vécu quelques années à Los Angeles en glanant même quelques trophées attribués aux meilleurs acteurs du genre, est forcé de revenir dans son bled perdu du Texas, sans le sou, et de cohabiter avec son ancienne femme et la mère de cette dernière. En campant son intrigue au cours de la campagne présidentielle de 2016, en plein cœur du pays trumpiste, le cinéaste explique aussi par la bande pourquoi le discours promettant de « rendre sa gloire à l’Amérique » a pu être aussi bien accueilli. La réalité dans laquelle les personnages de ce long métrage vivent est en effet un combat de tous les jours. Mikey tente de s’en sortir avec le seul moyen qui semble être à sa disposition : la vente de drogue. Très vivement dialogué, Red Rocket est aussi porté par la performance éclatée de Simon Rex, lui-même un ancien acteur porno que le cinéaste aurait recruté sur les réseaux sociaux. Comme quoi ceux-ci ont parfois du bon !

The Story of my Wife, d’Ildikó Enyedi

Les écueils d’un euro-pouding…

L’histoire de la cinéaste hongroise Ildikó Enyedi, à Cannes, a commencé il y a exactement 32 ans, alors que Mon XXe siècle a obtenu la Caméra d’or, distinction remise au meilleur premier long métrage du festival, toutes sections confondues. Corps et âme, son avant-dernier film, a remporté l’Ours d’or de la Berlinale en 2017 et été finaliste aux Oscars l’année suivante. Inutile de dire que sa nouvelle offrande, L’histoire de ma femme, était l’une des plus attendues de la sélection, d’autant qu’il s’agit d’une adaptation ambitieuse du roman du même titre, écrit par le romancier hongrois Milán Füst. L’histoire d’un capitaine au long cours au début du XXe siècle, qui, en sept leçons, est appelé à revoir sa vision de la vie au gré d’une relation amoureuse. Ce drame sentimental, tourné principalement en anglais, souffre d’abord d’un traitement trop académique. L’ensemble de cette coproduction entre la Hongrie, l’Allemagne, la France et l’Italie emprunte également la forme de ces euro-poudings où pratiquement aucun des acteurs n’est appelé à jouer dans sa langue. À l’arrivée, cette fresque de presque trois heures, dont les têtes d’affiche sont Léa Seydoux, Gijs Naber, Louis Garrel et Sergio Rubini, emprunte les allures de ces drames d’époque sans grande personnalité, racontés sans fièvre ni passion. Dommage.