Au cours d’une leçon de cinéma virtuelle organisée dans le cadre du festival de Toronto, la cinéaste Ava DuVernay a témoigné de l’évolution progressive d’une industrie qui cherche à devenir plus inclusive. En est-il de même pour les actrices afro-américaines ? Halle Berry n’en est peut-être pas aussi convaincue…

Grâce à des films comme Selma, The 13th, et la minisérie When They See Us, Ava DuVernay a établi sa réputation de cinéaste et s’est donné pour mission de raconter l’histoire afro-américaine. L’époque que nous traversons se révèle particulièrement cruciale à cet égard.

« Parfois, on m’a demandé pourquoi je m’intéressais si souvent à des sujets à caractère historique, mais cette année, les gens comprennent davantage, je crois. Nous sommes en présence d’une histoire qui est en train de s’écrire et nous nous souviendrons tous de 2020 jusqu’à la fin de nos jours. Ce temps est étrange et important. J’ai hâte de découvrir l’art qui découlera de cette époque, pas seulement sur le plan des impressions personnelles, mais aussi de voir qui seront les artistes qui la raconteront. »

Selma, dont l’absence dans les catégories de la meilleure réalisation et des prix d’interprétation aux Oscars a contribué à l’émergence de la campagne #OscarsSoWhite en 2015, racontait le combat de Martin Luther King pour la reconnaissance des droits civiques des Afro-Américains et la célèbre marche de 1965.

Le documentaire The 13th s’immisce dans le système carcéral américain pour en révéler les inégalités raciales. When They See Us relate l’histoire de ces cinq adolescents faussement accusés du viol et du meurtre d’une joggeuse à Central Park en 1989. Ces deux dernières productions ont été mises en ligne sur Netflix.

« Même si je ne pense jamais à l’impact que peut avoir un film ou une série pendant la fabrication, je constate aujourd’hui que The 13th est le film ayant eu le plus fort écho à l’extérieur des États-Unis. Je peux aller partout dans le monde et on m’en parle », fait remarquer celle qui compte aussi A Wrinkle in Time parmi ses réalisations.

Ava DuVernay salue les efforts que fait maintenant l’industrie, essentiellement masculine et blanche pendant des décennies, pour une représentation plus équilibrée. L’attitude personnelle n’est plus la même non plus, dit-elle aussi.

Changement d’attitude

« Il m’est souvent arrivé d’arriver dans un endroit et d’être la seule femme, et la seule personne noire. Maintenant, si j’arrive quelque part et que ça arrive, je dis, mais pourquoi suis-je la seule ? Quel est votre problème ? »

Je crois que le monde a changé d’une façon où ceux qui dirigent les festivals, les entreprises ou les services ne peuvent plus ignorer que les gens avec qui ils font affaire ont tous la même apparence et la même façon d’être.

Ava DuVernay, cinéaste

Forcément, son œuvre a contribué à éveiller les consciences à propos du racisme systémique et s’inscrit dans la mouvance de Black Lives Matter. Elle le revendique, mais souhaite néanmoins qu’un jour, cette prise de parole ne soit plus nécessaire.

« L’idée même que nous ayons à dire que nos vies comptent m’irrite. Nous avons vraiment cette discussion ? J’espère qu’à force d’en parler, nous en arriverons un jour à ne plus avoir besoin de le faire. »

La peine de Halle Berry

Halle Berry présente à Toronto son premier film à titre de réalisatrice. Dans Bruised, présenté au TIFF dans une version non définitive (et non accessible aux journalistes qui suivent le festival sur le web), elle tient aussi le rôle principal, celui d’une athlète spécialisée dans les combats d’arts martiaux mixtes qui, après bien des revers, tente un retour. Le film a convaincu Netflix au point que le diffuseur en ligne en aurait acheté les droits d’exploitation pour une somme qui tournerait autour de 19 millions de dollars, affirme le journal spécialisé britannique Screen.

PHOTO EVAN AGOSTINI, ASSOCIATED PRESS

À ce jour, Halle Berry reste la seule lauréate afro-américaine de l’Oscar de la meilleure actrice. Elle a obtenu la statuette dorée en 2002 grâce à sa performance dans Monster’s Ball, un film de Marc Forster.

Ayant aussi participé à une discussion organisée dans le cadre du TIFF, Halle Berry est notamment revenue sur des propos tenus au cours d’un entretien accordé tout récemment à Variety. Elle avait en outre déclaré qu’après son sacre aux Oscars en 2002, où elle fut la première actrice afro-américaine à mettre la main sur l’Oscar de la meilleure actrice grâce à sa performance dans Monster’s Ball (Marc Forster), elle croyait à un effet d’entraînement. Qui n’est jamais venu. Bien que quelques actrices noires aient été honorées dans la catégorie de soutien depuis cette époque, Halle Berry reste toujours la seule Afro-Américaine à avoir un Oscar de la meilleure actrice dans sa collection.

La peine que j’ai évoquée découle du fait que j’ai vraiment cru qu’après cette soirée, plusieurs femmes de couleur viendraient me rejoindre. Vingt ans plus tard ou presque, il n’y a toujours personne à côté de moi.

Halle Berry, actrice et réalisatrice

À l’instar du personnage qu’elle incarnait dans Monster’s Ball, celui qu’elle joue dans Bruised doit combattre ses démons intérieurs. « Je suis davantage attirée vers des personnages brisés, qui doivent se battre pour survivre. Chaque fois, l’expérience est cathartique et me permet de guérir. »

Débuts impressionnants de Viggo Mortensen

PHOTO FOURNIE PAR MÉTROPOLE FILMS

Lance Henriksen et Viggo Mortensen dans Falling, le premier film que signe Viggo Mortensen à titre de réalisateur.

Comme Regina King et Halle Berry, Viggo Mortensen propose aussi au TIFF son premier film à titre de réalisateur. Falling, une coproduction canado-britannique tournée en Ontario, est un drame familial puissant, porté par une performance remarquable du vétéran Lance Henriksen, un acteur habituellement voué aux seconds rôles. Ce dernier incarne un homme atteint d’un début de démence, misogyne, raciste et homophobe, qui part du Midwest pour se rendre en Californie chez son fils (Viggo Mortensen) et le mari de ce dernier (Terry Chen) en attendant de trouver une résidence. Le fils assume complètement son homosexualité et en a fait part aux siens depuis longtemps, mais la présence de ce père, qui vocifère des insanités, y compris en public, le confronte néanmoins à la relation qu’il entretient avec lui.

Utilisant de nombreux retours en arrière, notamment des scènes où ce père intimidant n’a de cesse de mettre son fils à l’épreuve de sa conception toxique de la virilité, Mortensen explore la complexité d’une relation entre un père et un fils, où tout peut exploser d’un moment à l’autre. Aussi auteur du scénario et compositeur de la trame musicale, Viggo Mortensen révèle une véritable sensibilité de cinéaste.

Falling sera distribué au Québec par Métropole Films. Aucune date de sortie n’est encore fixée.

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