Reconnu pour des films sombres et violents à la Gomorra et Dogman, le cinéaste italien Matteo Garrone arrive là où l’on ne l’attend pas en proposant sa vision du conte classique de Carlo Collodi. Son Pinocchio servira dorénavant de référence, d’autant que dans le rôle de Geppetto, Roberto Benigni livre une performance très émouvante.

(Berlin) Il y avait quand même une quinzaine d’années que nous ne l’avions pas vraiment vu. Roberto Benigni n’a rien tourné à titre de cinéaste depuis Le tigre et la neige, en 2005, et a joué au cinéma seulement une fois depuis cette époque, dans To Rome with Love, de Woody Allen. 

Il fait aujourd’hui un grand retour dans la version que propose Matteo Garrone de Pinocchio, conte qu’il connaît lui-même en long et en large, ayant signé lui aussi une adaptation cinématographique en 2002. Or, ce long métrage avait été très mal accueilli à l’époque. La critique et le public avaient rejeté l’idée qu’avait eue Benigni de jouer lui-même, à 50 ans, la marionnette de bois qui aspire à devenir un vrai petit garçon.

Dans la version qu’a lancée dimanche Matteo Garrone à Berlin, où a eu lieu la première internationale d’un film hors concours ayant déjà pris l’affiche en Italie à la toute fin de l’an dernier, Roberto Benigni se glisse cette fois dans la peau de Geppetto, modeste menuisier sculpteur dont l’ambition est de créer la plus belle marionnette du monde. 

Ce rôle lui convient beaucoup mieux. L’acteur y est touchant, tout en empruntant une approche très sobre. Il traduit aussi magnifiquement la dévotion que met Geppetto pour faire de Pinocchio, adorablement interprété par Federico Ielapi, le fils qu’il n’a jamais eu.

« J’ai lu le livre de Collodi très jeune, tout seul, parce que mes parents ne savaient pas lire », a déclaré l’acteur au cours d’une conférence de presse. « Pinocchio était d’abord le livre des pauvres, mais il est maintenant fondamental dans la littérature italienne. Je vois un signe du destin dans la proposition que m’a faite Matteo Garrone, à mes yeux l’un des plus grands cinéastes de notre époque. C’est un miracle d’avoir eu l’occasion de jouer les deux personnages dans ma vie. J’y vois le couronnement d’une carrière. »

PHOTO JOHN MACDOUGALL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Pinocchio est avant tout la grande histoire d’amour entre un père et son fils, selon l’acteur Roberto Benigni (à gauche) et le cinéaste Matteo Garrone, qui tient Federico Ielapi, interprète de la marionnette qui aspire à devenir un vrai petit garçon.

Une fable magique dans un contexte réaliste

La grande réussite de la vision de Garrone est d’avoir su honorer la magie de cette fable, avec des animaux qui deviennent des humains et vice versa, dans un contexte réaliste, lequel évoque la grande pauvreté dans laquelle vivait une partie de la population italienne à la fin du XIXsiècle.

« Pinocchio est l’un des contes les plus célèbres du monde, mais j’ai essayé de le raconter d’une façon qui peut paraître surprenante aux yeux d’un public qui croit déjà le connaître, a expliqué le cinéaste. Avec Massimo [Ceccherini, coscénariste avec Garrone], nous avons redécouvert le texte original et les illustrations d’origine d’Enrico Mazzanti, mais nous avons aussi pris quelques libertés. Je tenais à ce que cette fable puisse enchanter tous les publics, autant les adultes que les enfants, et faire un clin d’œil à la commedia dell’arte. Cette allégorie évoque beaucoup l’Italie, mais elle parle surtout de l’être humain. C’est, je crois, ce qui la rend aussi universellement populaire. »

Aux yeux du cinéaste et de l’acteur, Pinocchio est avant tout la grande histoire d’amour entre un père et son fils. Quand le jeune garçon en bois préfère partir à l’aventure pour découvrir le monde plutôt que d’aller à l’école, son créateur n’hésitera pas à partir à sa recherche, quitte à franchir des océans s’il le faut. À cet égard, on peut tracer ici un parallèle avec La vita è bella, film qui a valu à Benigni l’Oscar du meilleur acteur, construit autour de l’amour indéfectible d’un père pour son fils.

Père prêt à tout

Questionné sur la vidéo virale qui circule actuellement, montrant un père syrien qui invente un jeu pour aider sa fille de 4 ans à ne pas avoir peur des bombes qui tombent sur leurs têtes (Chantal Guy y a fait écho dans sa chronique dimanche), Roberto Benigni s’en est ému. Plusieurs voient en effet dans cette histoire un lien direct avec les efforts que faisait Guido dans La vita è bella pour éviter à son jeune fils d’avoir conscience de la réalité insoutenable du camp de la mort où ils avaient été envoyés. 

Benigni, qui a évidemment été à la hauteur de sa réputation pendant la conférence de presse, a aussi raconté combien Pinocchio faisait partie intégrante de sa vie.

« Au début des années 2000, a-t-il rappelé, Robin Williams, que j’aimais tant, m’a invité à souper chez lui. Francis Ford Coppola était là. À la fin de la soirée, Francis m’a dit qu’il avait le projet de réaliser une nouvelle version de Pinocchio et qu’il me verrait dans le rôle de Geppetto. Nous nous sommes rencontrés souvent pour en discuter, mais ce projet ne s’est jamais concrétisé.

« Cela aurait pu être intéressant, poursuit-il, mais même s’il avait été fait, j’aurais accepté la proposition de Matteo quand même. Je l’admirais déjà comme cinéaste, mais là, il m’a beaucoup impressionné. Matteo a un grand souci du détail, au point qu’il peut faire arrêter le tournage un après-midi entier s’il ne trouve pas la bonne couleur qu’il cherche pour le dessus de lit ! Pour moi, Garrone, c’est la précision esthétique de Luchino Visconti alliée à l’approche dépouillée de Roberto Rossellini. Je vous le dis, c’est le plus grand ! »

Aucune entente de distribution n’étant encore conclue, la date de sortie de Pinocchio au Québec n’est pas déterminée.

La quatrième journée en photos

  • Les actrices Leonor Silveira, Mawusi Tulani, Carolina Bianchi et Clarissa Kiste, du film All the Dead Ones (Todos os Mortos), prennent la pause pour les photographes.

    PHOTO GREGOR FISCHER, ASSOCIATED PRESS

    Les actrices Leonor Silveira, Mawusi Tulani, Carolina Bianchi et Clarissa Kiste, du film All the Dead Ones (Todos os Mortos), prennent la pause pour les photographes.

  • Les acteurs allemands Franz Rogowski (à gauche) et Paula Beer ont foulé le tapis rouge en compagnie du réalisateur Christian Petzold lors de la première du film Undine.

    PHOTO JOHN MACDOUGALL, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Les acteurs allemands Franz Rogowski (à gauche) et Paula Beer ont foulé le tapis rouge en compagnie du réalisateur Christian Petzold lors de la première du film Undine.

  • La réalisatrice Kitty Green et l’actrice Julia Garner ont tenu une conférence de presse pour promouvoir The Assistant.

    PHOTO ANNEGRET HILSE, REUTERS

    La réalisatrice Kitty Green et l’actrice Julia Garner ont tenu une conférence de presse pour promouvoir The Assistant.

  • Moment de camaraderie entre les réalisateurs brésiliens Caetano Gotardo (à gauche) et Marco Dutra, qui sont derrière All the Dead Ones (Todos os mortos).

    PHOTO JOHN MACDOUGALL, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Moment de camaraderie entre les réalisateurs brésiliens Caetano Gotardo (à gauche) et Marco Dutra, qui sont derrière All the Dead Ones (Todos os mortos).

  • La directrice du festival Mariette Rissenbeek et le directeur artistique Carlo Chatrian

    PHOTO JOHN MACDOUGALL, AGENCE FRANCE-PRESSE

    La directrice du festival Mariette Rissenbeek et le directeur artistique Carlo Chatrian

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