Depuis 2009, Caroline Monnet a réalisé une dizaine de courts métrages et elle s’apprête à tourner son premier long, Bootlegger. Pour cette artiste multidisciplinaire, la toute première manifestation d’un film est d’une importance cruciale. Et celle-ci passe souvent par l’affiche, œuvre de designers graphiques.

« On ne parle jamais de ces travailleurs de l’ombre, relève notre directrice invitée, alors que leurs affiches constituent le premier contact d’un film avec le public. L’affiche est d’une grande importance dans la promotion et le succès d’un film. »

Sébastien Aubin et Raphaël Daudelin ont signé l’ensemble des affiches des films de Caroline Monnet. Avec plusieurs exemples, ils nous expliquent leur démarche.

Creatura Dada

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L’affiche de Creatura Dada, signée Sébastien Aubin

« Dans ce court métrage, Caroline voulait parler des femmes autochtones du Canada dans un angle positif, relate Sébastien Aubin, qui était aussi sur le plateau de tournage comme homme à tout faire. Il y avait plusieurs personnages, incarnés par des comédiennes autochtones, qui participaient à un grand repas. Il arrive que les affiches fassent un lien avec les génériques de début et de fin. C’est le cas ici. Pour le choix des couleurs, Caroline voulait quelque chose de proche du dadaïsme.

Mobilize

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L’affiche de Mobilize, signée Sébastien Aubin

« Ce film est l’un des quatre de la série “Souvenir”, consacrée au cinéma des artistes des Premières Nations, précise M. Aubin, qui est cri par sa mère et malécite par son père. J’ai fait un collage avec des images de Mobilize. Le décalque du contour renvoie à ces dessins utilisés pour des tests psychologiques et aussi à l’eau, parce qu’il y avait de l’eau dans chaque film de la série. J’ai tracé les formes et travaillé les éléments pour en faire ressortir certaines images, de façon à ce qu’on s’approche pour les regarder. »

Roberta

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L’affiche de Roberta, signée Sébastien Aubin

Dans une scène de Roberta, le personnage central, joué par Marie Brassard, se met à fracasser des coussins, ce qui crée une envolée de plumes. De là cette grande plume au centre de laquelle on voit le personnage de Roberta couché. Cette affiche donne lieu à un échange intéressant entre Raphaël Daudelin et Sébastien Aubin. « On ne demande pas aux gens de comprendre les affiches, dit Raphaël. Pour moi, c’est un rappel. Une affiche ne peut pas tout dire, c’est la synthèse de quelque chose, un parti pris. » Sébastien ajoute : « On m’a souvent demandé de voir tout le film dans l’affiche. C’est complètement ridicule. »

Emptying the Tank

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L’affiche d’Emptying the Tank, signée Sébastien Aubin

Ce film documentaire s’intéresse à la boxeuse Ashley Nichols. « Une femme qui se bat dans la vraie vie. C’est son quotidien, son travail, indique Sébastien Aubin. Mais elle est très humble, super gentille. » Deux affiches ont été créées pour le film, la seconde montrant un ring phosphorescent dans la forêt. « Comme si Ashley se battait contre ses ancêtres, poursuit M. Aubin. Comme nous n’arrivions pas à nous décider sur quelle affiche prendre, on a utilisé les deux [rires]. »

La mallette noire

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L’affiche de La mallette noire, signée Sébastien Aubin

Ce court métrage est construit autour d’une histoire vraie et très troublante survenue à l’époque des pensionnats indiens. Un infanticide est commis et traité à la légère par les Blancs. Après avoir étouffé à mort un enfant qui pleurait trop, une infirmière a appelé un médecin. À son arrivée, ce dernier a simplement pris l’enfant, l’a mis dans sa mallette noire et est reparti. Tout ça sous les yeux d’une fillette, cousine du bébé. « Ces écoles faites pour empêcher les enfants autochtones de parler leur langue ont constitué un génocide culturel, dit M. Aubin, ému. Sur l’affiche, on voit la robe de chambre du personnage de la cousine. J’ai créé des empreintes digitales avec de la cire à chaussures. Comme si la noirceur grimpait et attaquait cette personne. »

Tshiuetin

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L’affiche de Tshiuetin, signée Sébastien Aubin

« Ce court métrage documentaire porte sur un train, toujours en activité, qui appartient aux autochtones et fait la navette entre Schefferville et Sept-Îles, dit M. Aubin. Le trajet dure de 12 à 14 heures, car des gens débarquent un peu partout avec leur ski-doo et d’autres équipements pour aller séjourner quelques semaines dans leurs camps. Sur l’affiche, on ne sait pas si le train s’en va ou s’en vient. Le fait qu’il passe à travers les montagnes envoie à mon avis un message positif. »

Les sept dernières paroles

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L’affiche des Sept dernières paroles, signée Raphaël Daudelin

Caroline Monnet est l’un des cinéastes signataires de ce film fait de courts métrages s’emboîtant les uns dans les autres, avec pour thème la pièce Les sept dernières paroles du Christ de Haydn. « Pour l’affiche, il fallait trouver une image qui, même si elle était tirée d’un seul des films, pouvait représenter tous les autres, indique Raphaël Daudelin. On a identifié quelques images avec du potentiel et celle-ci, avec son côté flottant, a été retenue. Je l’ai travaillée avec une grande sobriété. » La comédienne Clara Furey a été photographiée par Éric Cinq-Mars dans la rivière noire à Fort-Coulonge, dans le Pontiac.