(Cannes) « J’ai eu envie de faire un film qui ne soit que sur des faits réels », dit-il. Dans Roubaix, une lumière, Arnaud Desplechin se lance pour la première fois dans un polar, avec Roschdy Zem dans le rôle principal.

Habitué du Festival de Cannes, le cinéaste de 58 ans y vient pour la sixième fois en compétition — dont la dernière fois pour Jimmy P. en 2013 —, après avoir ouvert le Festival il y a deux ans avec Les Fantômes d’Ismaël, hors compétition.

« Ce qui m’a guidé, ce n’est pas tellement l’appétit de policier », explique-t-il dans un entretien avec l’AFP.  

« Je venais de faire un film, Les Fantômes d’Ismaël, qui était une débauche de fiction. Et j’ai eu envie qu’il n’y ait plus aucune fiction », ajoute-t-il, soulignant s’être inspiré dans sa démarche de celle d’Alfred Hitchcock pour Le faux coupable, qui avait eu l’idée de son film en lisant un fait divers dans les journaux.

Tiré d’un fait divers qui s’est déroulé à Roubaix en 2002 — l’assassinat d’une vieille dame par deux jeunes femmes —, le film met en scène le commissaire Daoud, interprété par Roschdy Zem, un homme charismatique et plein d’humanité, qui connaît parfaitement son métier et sa ville, fonctionne à l’instinct et s’efforce de ne jamais juger ses interlocuteurs.

Il a face à lui une nouvelle recrue qui vient d’arriver au commissariat, Louis Coterelle, incarné par Antoine Reinartz (César du meilleur acteur dans un second rôle pour 120 battements par minute), nerveux, qui multiplie les erreurs de jugement.

Alors qu’ils croisent au détour d’une enquête deux jeunes femmes démunies, alcooliques et amoureuses qui habitent dans une courée, Claude (Léa Seydoux) et Marie (Sara Forestier), ils vont les retrouver après le meurtre d’une vieille dame qui habite à côté de chez elles.

Portrait de Roubaix

Arnaud Desplechin a été inspiré notamment pour ce film par un documentaire tourné en 2002 par le réalisateur Mosco Boucault, parti filmer la vie du commissariat de Roubaix, et qui avait de manière inattendue assisté aux aveux en direct de deux jeunes femmes dans une affaire de meurtre.

« J’ai désiré rencontrer le réalisateur de ce documentaire, pour lequel j’ai beaucoup d’admiration. Et pour le film, un peu à la manière d’Elephant de Gus Van Sant, qui était basé sur le téléfilm anglais, je me suis basé beaucoup sur le travail de Mosco Boucault », raconte-t-il, soulignant qu’il « ne voulait pas de romanesque » au départ, mais que celui-ci était « revenu au galop ». « C’est mon tempérament. Je ne peux pas m’empêcher », dit-il.

Arnaud Desplechin fait en effet un film plus large que le fait divers dont il parle, décrivant dans toute la première partie la vie du commissariat de Roubaix, et celle de son héros.

À travers son personnage, incarné avec brio par Roschdy Zem loin des stéréotypes du flic au cinéma, et ses déambulations, le réalisateur fait aussi un portrait de Roubaix, la ville où lui-même est né et a grandi, à travers le regard croisé du vieux briscard et du jeune lieutenant.

« C’est en même temps un portrait de Roubaix, et un portrait du commissaire Daoud », indique le cinéaste.  

« C’est lui, le roi de Roubaix. Roubaix, une lumière, c’est presque Daoud une lumière, avec cette lumière vers laquelle il aspire, dans des conditions dures », ajoute le réalisateur de Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle), qui dit avoir essayé dans la première moitié du film « d’embrasser la ville, dans toutes ses dimensions, de faire une sorte d’état des lieux ».  

« À quoi ça ressemble une ville française qui va moyennement bien aujourd’hui ? Et j’ai choisi Roubaix, parce que c’est ma ville natale », ajoute le cinéaste, qui bascule ensuite dans une deuxième partie dans le récit du fait divers.

À travers le genre du film noir, le réalisateur dit avoir aussi voulu faire « un film politique, parce que ça parle de maintenant, de la France ici et maintenant ».  

« Pour moi, le genre c’était une façon d’embrasser une époque, de ne pas avoir peur du réel et d’embrasser le réel ».