Les producteurs québécois bénéficieront d’une somme de 10 millions de dollars supplémentaires pour la mise en production de films francophones au cours de la prochaine année. De ce montant,  7,5  millions proviennent d’une intervention directe du ministre de Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.

Cette somme, non récurrente,  s’ajoute à un montant de 2,5  millions de dollars que Téléfilm Canada a réussi à dégager de ses budgets courants en faisant une réévaluation de ses programmes à l’interne.

L’annonce a été faite plus tôt aujourd’hui à quatre représentants de l’industrie, soit Hélène Messier, directrice générale de l’Association québécoise de la production médiatique (AQPM), les producteurs Pierre Even et Denise Robert ainsi que Patrick Roy, président du distributeur Films Séville.  La directrice générale de Téléfilm Canada, Mme  Christa Dickenson, assistait à cette rencontre qui a eu lieu au bureau régional des ministres fédéraux, dans le Vieux-Montréal.

« C’est une excellente journée pour tout le milieu du cinéma québécois, a indiqué M.  Rodriguez au cours d’une entrevue exclusive accordée à La Presse tout de suite après la rencontre. Je suis allé chercher des fonds supplémentaires au sein du gouvernement canadien. En me rencontrant à Ottawa le 4  avril, les producteurs ont fait part d’un besoin supplémentaire de 10  millions. J’ai compris le message et fait le nécessaire. Cela répond aux demandes formulées. »

PC

Christa Dickenson, directrice générale de Téléfilm Canada

Cette somme, qui sera gérée par Téléfilm Canada, permet de compenser un manque à gagner colossal auquel faisait face la société d’État pour le financement de films francophones en 2019-2020. Le manque à gagner provenait d’une vieille pratique faisant en sorte que Téléfilm émettait des lettres d’engagement anticipé pour certains projets analysés dans le volet dit participatif (à évaluer minutieusement). Or, les engagements anticipés devenaient de plus en plus importants au fil des ans.  Ainsi, en 2018-2019, Téléfilm avait déjà signalé à des producteurs un engagement financier de 7,7  millions sur son budget 2019-2020 alors que l’enveloppe du volet participatif pour les projets francophones est d’environ 11  millions.

Invité à dire si cette méthode est à revoir, le ministre Rodriguez renvoie cette question « technique » dans la cour de Téléfilm Canada. « Ce dont je veux m’assurer est que Téléfilm offre les meilleures conditions possible à nos producteurs. Il est important d’avoir un lien de confiance entre eux, qu’il se développe une relation solide. Nous sommes tous là pour la même raison : on veut faire en sorte que nous réalisateurs et producteurs fassent ce qu’ils font de mieux, à savoir des bijoux. On est parmi les meilleurs au monde et mon travail est de faire en sorte de leur offrir les meilleures conditions pour qu’ils continuent à créer, produire et être les meilleurs au monde.

Entrée en fonction à la fin de juillet 2018, Christa Dickenson veut de son côté mettre fin à la pratique des engagements anticipés.

D’ailleurs, dans la foulée de toute cette histoire, l’administration de Téléfilm a aussi annoncé le congédiement de trois directeurs. M.  Rodriguez a indiqué ne pas être intervenu sur cette question. “Je ne vais pas m’insérer dans la mécanique de gestion interne », a-t-il dit.

Il a par contre annoncé la nomination d’un nouveau président du conseil d’administration, M. Robert Spickler, qui va remplacer le président par intérim. G. Grant Machum. Ce dernier demeure au conseil. De plus, Mme Karen Horcher, une comptable agréée,  entre aussi à ce conseil d’administration.

Fort de quarante ans d’expérience dans le milieu culturel québécois, Robert Spickler a entre autres occupé des fonctions dans plusieurs organismes culturels dont l’OSM, le TNM, le Centre canadien d’architecture, le Théâtre d’Aujourd’hui, le Conseil des arts du Canada et le Conseil international des Musées.

Le milieu satisfait

L’annonce de Pablo Rodriguez a été accueillie avec un grand mouvement de satisfaction.

« Je remercie le ministre Pablo Rodriguez de s’être assuré que l’industrie québécoise dispose de toutes les ressources nécessaires pour produire le contenu de niveau international qui nous caractérise », a indiqué Christa Dickenson dans un communiqué émis par le cabinet du ministre.

Plus tard, en entrevue téléphonique, Mme Dickenson a affirmé que son bureau et le cabinet du ministre travaillent depuis des mois à trouver une solution. « Nous devons maintenant continuer notre dialogue avec le gouvernement pour aller chercher plus de fonds, a-t-elle indiqué. Les dernières semaines n’ont pas été agréables, mais on va maintenant de l’avant pour rétablir la situation. »

« C’est une excellente nouvelle, a pour sa part indiqué Hélène Messier de l’AQPM. Pour le moment, cela répond aux besoins ponctuels. C’est une somme tout à fait satisfaisante. Le ministre est aussi conscient qu’il faudra voir comment, à long terme, on pourra augmenter le budget de Téléfilm Canada. À cet égard, il peut compter sur notre appui. »

Mme Messier dit cependant que l’AQPM maintient son indignité quant au congédiement des trois directeurs de Téléfilm. « Nous sommes toujours attristés par cette perte d’expertise. C’est un sujet dont nous voudrons discuter avec le nouveau président du conseil », a-t-elle dit.

Même son de cloche chez le distributeur Patrick Roy. « L’argent règle une crise, mais le congédiement des trois directeurs reste un sujet de discussions », a-t-il dit.  

Mme Dickenson n’a pas voulu aborder la question des trois directeurs congédiés pour des raisons de confidentialité.

Cela dit, Patrick Roy s’est montré extrêmement satisfait de la rapidité avec laquelle le ministre Rodriguez a répondu à l’appel du milieu. « Je le remercie de nous avoir rencontrés, écoutés et trouvé des solutions dans un aussi court laps de temps, indique-t-il. On bâtit des liens entre les œuvres des créateurs et le public. Si, une année, moins de films québécois sont présentés, ce lien risque de se briser. »