À 87 ans, Clint Eastwood propose son 36e long métrage à titre de réalisateur. The 15:17 to Paris fait écho à la fascination qu'éprouve le cinéaste pour les actes héroïques d'Américains « ordinaires ». Cette fois, il a même recruté les vrais protagonistes afin qu'ils réinterprètent eux-mêmes le fil des événements les ayant menés à neutraliser un djihadiste en mission dans un train reliant Bruxelles à Paris. Retour sur le parcours de l'un des derniers géants de Hollywood.

HÉROS DE WESTERNS ITALIENS

Au début des années 60, Clint Eastwood se distingue dans la série western télévisée Rawhide, mais la notoriété à titre de vedette de cinéma lui parvient d'abord grâce à... l'Italie ! Un dénommé Sergio Leone l'embauche en effet pour tenir les rôles principaux de Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, ainsi que Le bon, la brute et le truand. Le succès de la Trilogie du dollar ainsi que plusieurs participations dans d'autres films du même genre lui accoleront à jamais l'image du héros de films westerns.

ANTIHÉROS DE FILMS POLICIERS

En 1971, la carrière d'acteur de Clint Eastwood emprunte un virage important quand il se glisse dans la peau de Harry Callahan, un policier non conformiste, dont les répliques - « Go ahead, make my day » - se sont installées dans l'inconscient collectif. Dirty Harry est le premier film construit autour d'un électron libre faisant partie des forces de l'ordre, un archétype qui sera largement repris ensuite dans le cinéma américain. Très populaire, le drame policier engendrera quatre suites : Magnum Force (1973), The Enforcer (1976), Sudden Impact (1983) et The Dead Pool (1988). Dans les années 70, Eastwood est au faîte de sa carrière d'acteur et commence aussi à se démarquer à titre de cinéaste.

HÉROS DE LA ROYAUTÉ HOLLYWOODIENNE

Hollywood ayant toujours eu un fort penchant pour les acteurs qui passent aussi derrière la caméra, Clint Eastwood a obtenu l'Oscar de la meilleure réalisation deux fois : Unforgiven, qui marquait la renaissance du western nouveau genre, lui a valu cette première consécration en 1993, et l'honneur lui fut rendu de nouveau 22 ans plus tard, à la faveur du drame sportif Million Dollar Baby. Même s'il fait partie de la royauté hollywoodienne, Clint Eastwood fut peu souvent sélectionné aux Oscars à titre d'acteur (deux citations seulement - Unforgiven et Million Dollar Baby), et ne l'a jamais emporté dans cette catégorie.

HÉROS DU PARTI RÉPUBLICAIN

Clint Eastwood n'a jamais caché son allégeance au Parti républicain. Il affirme d'ailleurs avoir voté pour le candidat du GOP (Grand Old Party) depuis 1952, soit de Dwight Eisenhower jusqu'à Donald Trump. Son étrange prestation improvisée au congrès du parti en 2012, alors qu'il s'adressait à Barack Obama en conversant avec une chaise vide, a marqué les esprits. Et a fait un peu pâlir son image, surtout auprès de ceux qui ont du mal à croire qu'un homme aux idées plus progressistes sur le plan social puisse souscrire au Parti républicain. « Je suis intraitable à propos de la réduction du déficit », a déjà déclaré celui dont les idées conservatrices sur le plan économique l'emportent sur tout le reste.

HÉROS, TU SERAS DANS MON FILM

Maintenant octogénaire, Clint Eastwood s'intéresse beaucoup, surtout dans ses trois plus récents longs métrages, à la notion d'héroïsme et à sa définition dans un contexte américain. Dans American Sniper, un succès populaire aussi grand qu'inattendu, on pouvait percevoir - ou pas - un regard critique sur le monde militaire à travers le parcours du tireur d'élite Chris Kyle. Sully évoquait l'incroyable histoire du pilote de ligne Chesley Sullenberger, qui s'était résolu à faire amerrir son avion sur le fleuve Hudson, sauvant ainsi la vie de tous les passagers. Dans The 15:17 to Paris, le cinéaste s'intéresse à l'histoire des trois jeunes Américains qui ont neutralisé un djihadiste dans un train effectuant la liaison entre Bruxelles et Paris, le 21 août 2015.

HOMMAGE À TROIS HÉROS AMÉRICAINS

La particularité de la démarche d'Eastwood dans son nouveau film est d'avoir invité Alek Skarlatos et Spencer Stone, militaires en permission au moment de l'incident, ainsi qu'Anthony Sadler, universitaire séjournant alors en Europe, à jouer leur propre rôle. Dans un article récemment publié dans le New York Times, on évoquait la requête que le cinéaste a faite aux gars de ne surtout pas suivre de leçons d'art dramatique, afin de préserver leur identité, et, du même coup, leur authenticité. « Il ne voulait pas d'un film hollywoodien », a déclaré Spencer Stone. Le pari était risqué, mais Clint Eastwood a entièrement assumé son choix. Reste maintenant à voir si ce pari est réussi.

EST-CE UN BON FILM ?

Non. The 15:17 to Paris est probablement le pire film qu'ait réalisé Clint Eastwood en carrière. C'est un peu comme si, avant d'arriver vraiment dans le vif du sujet (l'attentat dans le train), Eastwood s'était d'abord perdu dans l'enfance des protagonistes (ce qu'on suggère sur l'incapacité d'une mère seule est hallucinant) pour ensuite se transformer en guide touristique. Les gars prenant d'innombrables égoportraits à Rome, à Venise, à Berlin et à Amsterdam constituent le fil narratif d'un scénario inexistant, qui prend enfin un peu de vigueur dans le dernier acte, environ 20 minutes avant le générique. Ironiquement, le choix de confier les rôles aux véritables protagonistes de l'histoire produit l'effet contraire de celui souhaité par le cinéaste. Plutôt que d'être un atout pour l'authenticité de l'ensemble, leur interprétation déficiente octroie au film un caractère parfaitement artificiel. Vraiment, ces trois héros méritaient mieux. 

***

DRAME

The 15:17 to Paris

(V.F. : Le 15 : 17  pour Paris)

Clint Eastwood

Avec Spencer Stone, Anthony Sadler, Alek Skarlatos

1 h 34

Deux étoiles

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS.

Clint Eastwood dans Dirty Harry, de Don Siegel

Photo Gary Hershorn, Archives Reuters

Clint Eastwood reçoit l'Oscar de la meilleure réalisation en 2005 grâce à Million Dollar Baby. Unforgiven lui avait valu le même honneur en 1993.