«Pourquoi je veux entrer à Harvard? Si j'étais blanc, est-ce que vous auriez besoin de me demander», interroge Malcolm dans la dernière scène de Dope, film produit par Pharrell Williams, Forest Whitaker et Sean Combs.

Dope, de Rick Famuyiwa, qui a fait sensation aux festivals de Sundance puis de Cannes, affronte avec légèreté et humour les problèmes qui minent l'Amérique: drogue, violence, inégalités et tensions raciales.

Cette comédie générationnelle coup-de-poing, qui sort vendredi en Amérique du Nord, est inspirée du parcours du cinéaste: il a grandi dans un quartier défavorisé, mais est parvenu à étudier dans l'une des meilleures universités de Los Angeles, USC.

Le titre joue sur les multiples sens du mot Dope, qui signifie «came» en anglais, mais aussi quelque chose de «super cool».

«Je savais que le coeur du film serait la drogue, mais je voulais aussi montrer que Malcolm et ses amis sont les gamins les plus cools de leur quartier», a expliqué le réalisateur.

Malcolm est un gentil geek, bon élève qui adore le rap des années 90, passe son temps à faire du vélo et à jouer de la musique avec ses deux meilleurs amis Diggy (Kiersey Clemons) et Jib (Tony Revolori). Il a l'insolence de vouloir entrer à Harvard, lui le gamin d'un quartier de Los Angeles qui répond au doux nom de: «le fond du fond» («The bottoms»).

Malcolm fait de son mieux pour éviter les ennuis, mais pour les beaux yeux de Nakia (Zoë Kravitz), il se hasarde à la soirée d'anniversaire d'un trafiquant local, Dom (le rappeur A$ap Rocky, dans son premier rôle au cinéma).

Quand un commando policier arrive pour arrêter Dom, Malcolm retrouve son sac bourré d'une dangereuse quantité de cocaïne dont il lui faut se débarrasser... Ou tirer profit.

«Dans les communautés (des quartiers défavorisés) même les enfants les plus prometteurs peuvent se retrouver pris dans toutes sortes de pièges», a expliqué Rick Famuyiwa lors d'une conférence de presse.

Trafiquant ou élève doué?

«Quand j'ai grandi, beaucoup de gens que je considérais comme intelligents et talentueux se sont retrouvés impliqués dans plein de choses. Quand on avait 13 ans, on était juste ces gamins qui s'amusaient et puis, des années plus tard, j'apprenais qu'untel était en prison pour meurtre. Je me disais: quoi? Ce type-là?», poursuit-il.

Il insiste sur le fait que «ça arrange certains de se contenter de dire c'est un mauvais garçon, mais les choses sont plus compliquées que ça».

Le tournage s'est terminé l'été dernier, juste avant que les relations raciales ne se tendent aux États-Unis avec la mort de jeunes noirs sans armes tués par des policiers à travers les États-Unis, à l'instar de Michael Brown à Ferguson, Eric Garner à New York, Freddie Gray à Baltimore.

Pour Forest Whitaker, l'une des forces du film est que derrière l'humour et les personnages déjantés, «le réalisateur s'attaque aux perceptions» et aux préjugés.

Malcolm demande droit dans les yeux de la caméra: «Qui suis-je? Que voyez-vous? C'est un constat très fort sur les contrôles au faciès», sur les préjugés et les discriminations, remarque l'acteur et producteur vedette.

«Est-ce que je suis un vendeur de drogue? Est-ce que je suis un étudiant doué? Le film essaie, d'une façon amusante, de participer au débat en cours», ajoute le comédien aux 100 films, dont Platoon, Le majordome ou Le dernier roi d'Écosse, qui lui a valu un Oscar en 2007.

Ce film indépendant rassemble une nouvelle génération d'acteurs très talentueux, au premier rang desquels l'interprète de Malcolm, Shameik Moore, qui crève l'écran dans son premier rôle principal.

Autour de lui gravite une galerie de personnages hauts en couleur superbement joués, notamment par Kiersey Clemons (vue dans la série télé Transparent), Tony Revolori (The grand Budapest hotel), la mannequin Chanel Iman qui casse son image de top model lisse dans plusieurs scènes trash, ou encore Quincy Brown, fils adoptif du rappeur Sean Combs.