Une querelle opposant les techniciens et fournisseurs aux producteurs du film Dominion, tourné au Québec l'an dernier, s'est transportée jusqu'au Festival de Cannes, a appris La Presse.

N'ayant toujours pas reçu des sommes importantes dues par les producteurs et ayant eu vent des démarches de ces derniers pour inscrire le film au festival, les plaignants ont en effet écrit au président de l'événement, Pierre Lescure, afin de lui faire part de leurs inquiétudes.

«Nous avons appris dernièrement que le film serait complété, qu'il aurait été monté, que les producteurs comptent réaliser les effets visuels sur Paris et que le film serait probablement présenté soit à la Semaine de la critique, à la Quinzaine [des réalisateurs] ou au marché du film de Cannes. Vous comprendrez aisément notre indignation si tout ceci s'avérait exact», écrivent les signataires de la lettre datée du 5 mars, que La Presse a obtenue.

Mettant en vedette John Malkovich et Rhys Ifans, Dominion raconte les derniers jours du poète gallois Dylan Thomas, mort à New York en 1953 alors qu'il était en tournée littéraire.

C'est Charles Paradis, directeur des relations de travail à l'Association québécoise des techniciens de l'image et du son (AQTIS), qui signe la lettre, approuvée par les représentants de 25 fournisseurs montréalais de la production.

Selon leur argumentaire, les producteurs de Dominion, un film réalisé par Steven Bernstein, doivent encore une semaine de salaire aux techniciens montréalais, soit plus de 100 000 $. À cela s'ajoutent «près de 700 000 $CAN aux fournisseurs et différentes maisons de service ayant participé au tournage», selon ce qu'on affirme dans la lettre.

Le 5 mars dernier, l'AQTIS a gagné sa cause devant un tribunal d'arbitrage qui ordonne aux producteurs de lui verser la somme de 113 702 $ et des intérêts annuels de 24 %. Dans l'éventualité où ces derniers n'honorent pas la décision, l'AQTIS ira devant la Cour supérieure pour faire respecter la sentence, quitte à faire saisir des biens.

Le meilleur endroit

Joint au Nouveau-Brunswick, le producteur du film Nolan McDonald (NM Films) a confirmé qu'il tentait d'inscrire le film à Cannes, arguant que c'est le meilleur endroit pour le vendre et ainsi récolter l'argent manquant pour payer techniciens et fournisseurs.

«Le film n'est pas terminé et nous sommes toujours à la recherche d'investisseurs, affirme M. McDonald. Il y en a deux ou trois qui sont intéressés et je crois que nous sommes sur le point de finir le montage financier. Nous avons pris le risque de nous inscrire à Cannes dans l'espoir d'avoir assez d'extraits pour amasser l'argent nécessaire.»

M. McDonald insiste pour dire que le paiement des sommes dues aux travailleurs et fournisseurs constitue sa priorité. «J'ai toujours exprimé mon désir de payer les membres de l'équipe et cela ne change pas», affirme-t-il.

M. McDonald estime que les sommes en jeu tournent autour de 200 000 $. À ses yeux, une «mauvaise presse» autour de l'affaire nuira à la cause, au lieu d'arranger les choses.

Au départ, c'est le producteur américain Richard N. Gladstein qui était à la barre de la production. Lorsque le financement du film a commencé à battre de l'aile, M. McDonald a pris le relais. Il affirme que sans son intervention, les sommes en jeu seraient encore plus importantes.

Dans leur lettre à Pierre Lescure, l'AQTIS et les fournisseurs demandent que les dirigeants du festival ne retiennent pas le film. «Par solidarité, par respect pour l'industrie globale du cinéma, pour l'image de marque de votre festival légendaire, il serait noble de votre part de refuser ce film dans votre compétition», arguent-ils.