L'acteur Gérard Depardieu, s'estimant «injurié» par les critiques sur son exil fiscal en Belgique, annonce qu'il «rend (son) passeport» français dans une lettre ouverte au premier ministre Jean-Marc Ayrault publiée par le Journal du dimanche.

«Je ne demande pas à être approuvé, je pourrais au moins être respecté! Tous ceux qui ont quitté la France n'ont pas été injuriés comme je le suis», écrit l'acteur au chef du gouvernement qui avait jugé «assez minable» son départ.

C'est ce qualificatif qui reste en travers de la gorge de la vedette. Sa «Lettre ouverte à M. Ayrault Jean-Marc, premier ministre de M. François Hollande» résonne comme une charge contre le premier ministre et sa politique fiscale.

Premier à réagir parmi les membres du gouvernement, le ministre du Travail Michel Sapin a vu dans dans la décision de l'acteur «une forme de déchéance personnelle», une «attitude pas à la hauteur de l'acteur», lors du grand rendez-vous Europe 1/iTélé/Le Parisien.

La ministre de la Culture Aurélie Filippetti s'est affirmée «tout à fait scandalisée» sur BFM-TV. «La citoyenneté française c'est un honneur, ce sont des droits et des devoirs aussi, parmi lesquels le fait de pouvoir payer l'impôt», a-t-elle insisté.

Tout en se disant «triste» de la décision de l'acteur avec qui elle avait travaillé contre l'illettrisme, l'ancienne ministre UMP Nadine Morano a surtout estimé qu'il était la victime du «matraquage fiscal» du gouvernement socialiste.

Gérard Depardieu commence ainsi sa lettre: «Minable, vous avez dit "minable"? Comme c'est minable!», référence à une réplique culte de Louis Jouvet dans «Drôle de drame» («Bizarre... Vous avez dit bizarre?»).

Rappelant avoir commencé à travailler «à 14 ans comme imprimeur, comme manutentionnaire puis comme artiste dramatique», il affirme avoir «toujours payé (ses) taxes et impôts». Il précise avoir payé «en 2012 85% d'impôts sur (ses) revenus».

«Vrai Européen»

«Qui êtes-vous pour me juger ainsi, je vous le demande M. Ayrault, 1er ministre de M. Hollande, je vous le demande, qui êtes-vous?», lance M. Depardieu, l'un des acteurs les plus populaires et les mieux payés du cinéma hexagonal, qui a cumulé les récompenses, mais aussi les frasques.

«Je n'ai jamais tué personne, je ne pense pas avoir démérité, j'ai payé 145 millions d'euros d'impôts en 45 ans, je fais travailler 80 personnes (...) Je ne suis ni à plaindre ni à vanter, mais je refuse le mot "minable"», insiste-t-il.

«Je pars parce que vous considérez que le succès, la création, le talent en fait la différence doit être sanctionnée», poursuit celui qui a acquis une propriété dans le village belge de Néchin, frontalier de la France, comme avant lui d'autres riches Français.

«Des personnages plus illustres que moi ont été expatriés ou ont quitté notre pays. Je n'ai malheureusement plus rien à faire ici, mais je continuerai à aimer les Français et ce public avec lequel j'ai partagé tant d'émotions!»

«Je vous rends mon passeport et ma Sécurité sociale dont je ne me suis jamais servi. Nous n'avons plus la même patrie, je suis un vrai Européen, un citoyen du monde, comme mon père me l'a toujours inculqué», assène encore Gérard Depardieu.

Le départ annoncé de l'acteur, concomitant avec la confirmation de la mise en vente de son hôtel particulier parisien, avait été dénoncé comme antipatriotique par la gauche, tandis que la droite y voyait le résultat de la politique du gouvernement.

«Je trouve cela assez minable (...). Tout cela pour ne pas payer d'impôt, pour ne pas en payer assez», avait déclaré mercredi Jean-Marc Ayrault.

Le président François Hollande a prôné une renégociation des conventions fiscales avec la Belgique.

La décision de Depardieu était largement commentée sur le réseau Twitter dimanche matin: «quand rendra-t-il sa Légion d'Honneur», demandait un gazouillis, tandis qu'un autre suggérait que l'acteur, accusé de conduite en état d'ivresse, «rende plutôt son permis de conduire».

Au même moment, l'écrivain Michel Houellebecq, Goncourt 2010, annonçait son retour en France après plusieurs d'années d'exil en Irlande.

Il lorgne le passeport belge 

En outre, Gérard Depardieu s'est renseigné sur la procédure à suivre pour obtenir un passeport belge, a affirmé dimanche à l'AFP Daniel Senesael, le bourgmestre (maire) dont relève Néchin, la localité belge où la star française a récemment acheté une maison.

«Nous avons eu un contact téléphonique ce (dimanche matin)(...) M. Depardieu a demandé comment faire pour obtenir un passeport belge et comment bénéficier de la mutuelle (Sécurité sociale)» dans ce pays, a déclaré M. Senesael, alors que l'acteur a annoncé vouloir rendre son passeport français.

«Comme les 27% de Français qui sont domiciliés dans notre entité avec beaucoup de convivialité, nous lui avons expliqué les démarches qu'il fallait accomplir, tout simplement», a précisé M. Senesael, bourgmestre de la commune d'Estaimpuis qui englobe le village de Néchin, limitrophe de la frontière française.

En Belgique, «la demande de passeport se fait à l'administration communale, au service population-état civil, via le bourgmestre», a-t-il expliqué.

Pour obtenir un passeport belge, ce n'est «pas du tout facile», a cependant souligné M. Senesael.

En outre, la législation belge sur la nationalité étant sur le point d'être modifiée, «il faudra voir comment on pourra répondre à la demande au mieux», a-t-il précisé.

Le nouveau code, qui entrera en vigueur le 1er janvier, prévoit d'accorder la nationalité belge aux personnes résidant en Belgique depuis cinq ou 10 ans au moins, et répondant à différentes conditions: connaissance d'une des trois langues nationales (français, néerlandais ou allemand), intégration sociale et économique dans le pays.

Mais une autre procédure, dite «exceptionnelle», est prévue. Le Parlement pourra accorder une «naturalisation», sans obligation de durée de résidence ou d'intégration, à des personnes pouvant «témoigner à la Belgique de mérites exceptionnels dans les domaines scientifique, sportif ou socioculturel et, de ce fait, pouvoir apporter une contribution particulière au rayonnement international de la Belgique».

Dans le domaine culturel, il faudra par exemple avoir été «récompensé sur la scène internationale en raison de ses mérites sur le plan culturel ou en raison de son investissement social et sociétal», précise la loi.

«Le droit à un passeport belge découle de la nationalité belge. Il n'y a pas d'exception», a déclaré dimanche soir à l'AFP un porte-parole du ministère belge des Affaires étrangères, interrogé sur la possibilité pour un étranger d'obtenir un passeport belge.