Depuis plus de trente ans, l’acteur, scénariste et réalisateur italien Nanni Moretti, président du jury du Festival de Cannes, s’est imposé comme un chroniqueur de son époque et une référence pour le cinéma européen.







Depuis ses débuts en 1978, ce Romain de 58 ans, six fois sélectionné et deux fois couronné sur la Croisette, a toujours eu une vision très critique du monde et de lui-même.




Rigoureux, exigeant, il a déjà prévenu qu’à la tête du jury, il espérait être «surpris». Lui-même obtint une première reconnaissance internationale avec Journal intime, récit de son propre combat contre le cancer, Prix de la mise en scène à Cannes en 1994. Puis la Palme d’Or en 2001 pour La Chambre du fils, autour de la perte d’un enfant.




Son style insolite sans règles préétablies, mêlant intimité et récits plus amples, marque toute sa carrière lancée en 1976 avec Je suis un autarcique, un titre somme toute prémonitoire pour ce touche-à-tout.




Moretti ne se contente jamais du seul rôle de réalisateur: il joue aussi les acteurs, les scénaristes et même les monteurs. Riches d’improvisations, ses productions au caractère artisanal sont articulées autour de son rôle de chef d’orchestre tout-puissant.




Cette omniprésence et le recours à l’autobiographie narcissique lui ont d’ailleurs valu le surnom de «Woody Allen italien».




Accessible pour les Romains, qui peuvent le croiser dans la vieille salle de cinéma qu’il a rachetée et restaurée dans le quartier de Trastevere, Nanni Moretti est cependant l’exact opposé des personnages extravertis qu’il interprète dans Palombella rossa (1989) et Aprile (1998).




Réservé, engagé à gauche mais jaloux de son indépendance, cet homme élancé, réfléchi et cultivé, a décidé de clore «une période d’autocélébration et de nombrilisme» pour se lancer, à 47 ans, dans le drame de La Chambre du fils qui marque dit-il «une entrée définitive dans la maturité personnelle et professionnelle».




Il renoue ensuite avec l’engagement politique pour s’opposer à Silvio Berlusconi et signe avec Le Caïman, un des surnoms de Berlusconi, une charge contre le chef du gouvernement.




En 2011, il revient à la comédie avec Habemus papam et Michel Piccoli en pape saisi par le doute - en sélection à Cannes.




Admirateur de Visconti, Pasolini, Bertolucci, Bunuel, Hitchcock et Truffaut, Moretti est un paladin du cinéma indépendant à mille lieues des règles des productions standard.




Provocateur-né, qui peut séduire ou irriter, il ne laisse jamais indifférent et s’apprête à prendre son rôle de président du jury avec sérieux, estiment les patrons de Cannes.




Le Président du Festival Gilles Jacob confesse volontiers sa tendresse pour le réalisateur, qu’il avait envoyé en compétition dès 1978 avec Ecce Bombo, pourtant en Super-8, sentant que «ce type avait un talent particulier», a-t-il confié à l’AFP.




«Nanni est venu au jury il y a 15 ans. C’est quelqu’un qui a une vision, que je respecte énormément et qui n’est pas en quête de publicité: la montée des marches, on sent qu’il la fait gentiment mais en service minimum» s’amuse-t-il.




Il célèbre d’ailleurs sa «rigueur, ce soin d’aller à l’essentiel: c’est ce qu’on recherche chez un président de jury car il s’agit d’un travail».




«Il se prépare déjà» assurait aussi la semaine dernière Thierry Frémaux, le délégué-général du festival, pour qui «Moretti est un géant». «Et même si c’est un homme de convictions, je suis sûr qu’il saura se montrer collectif et démocratique» parie-t-il.