À une époque où le thème de l'identité refait surface, Thomas Ngijol et Fabrice Éboué proposent une comédie de contrastes en retournant à l'époque de l'esclavage.



C'est un peu Les visiteurs à l'envers. Dans Case départ, qui a ouvert le Festival international du film black de Montréal l'an dernier, deux demi-frères «que tout oppose» sont catapultés en 1780 sur la terre de leurs ancêtres aux Antilles. L'un (Thomas Ngijol) avait jusque-là imputé tous ses malheurs à la France «raciste» du XXIe siècle; l'autre (Fabrice Éboué) se targuait de son côté d'être un «modèle» d'intégration, allant même jusqu'à pratiquement renier ses origines. Au chevet d'un père mourant qu'ils n'ont pratiquement jamais connu, Joël et Régis disposeront d'un précieux document de façon frivole. En déchirant l'acte d'affranchissement ayant rendu la liberté à leurs ancêtres esclaves, parchemin transmis de génération en génération, les frangins soulèvent du coup la colère d'une vieille tante un peu sorcière. Le temps d'un écran de fumée, les deux hommes se retrouvent à demi nus sur une place publique, vendus comme esclaves...

«L'idée découle surtout d'une envie de rigoler ensemble», ont récemment expliqué les deux humoristes. Qui, en plus de tenir les rôles principaux, ont scénarisé le film, et en cosignent aussi la réalisation avec un troisième larron (Lionel Steketee). «Mais on voulait aussi un propos qui ait du sens, et qui ferait écho à des thèmes plus sérieux. Notre objectif était de mettre en lumière le thème de l'identité sans aucun didactisme. Habituellement, quand on aborde ce genre de sujet, ça peut facilement devenir démago ou chiant.»

Un cadre historique soigné


Il est vrai que partout dans les sociétés occidentales, et en France plus particulièrement, les thèmes liés à l'identité, à l'immigration et à l'intégration font l'objet de beaucoup de discussions. Même s'ils affirment n'avoir fait aucun calcul, ni avoir eu l'idée du film à la suite d'un événement particulier, Thomas Ngijol et Fabrice Éboué estiment que Case départ arrive quand même à point nommé.

«Nous sommes le produit de notre époque, disent-ils. La démarche n'est pas nouvelle. Il faut savoir d'où on vient pour savoir où on va. Le sujet est tellement sensible qu'il vaut mieux passer par l'humour pour le traiter. En revisitant le passé, nous avons trouvé une façon de parler de notre présent.»

Même si Case départ n'a aucune prétention sur le plan pédagogique ou historique, l'objectif est ici de faire rire, ses concepteurs ont néanmoins tenu à ce que le propos soit tenu dans un cadre crédible.

«On ne peut pas jouer avec l'Histoire quand même, disent Ngijol et Éboué. Nous savions que nous allions aborder des choses difficiles, avec lesquelles on ne peut pas tricher. C'est la raison pour laquelle nous avons soigné le cadre historique afin que tout reste crédible. D'ailleurs, personne ne nous a attaqués là-dessus.»

Preuve de la délicatesse du sujet, même plus de 230 ans après l'époque dans laquelle l'intrigue du film est campée, la production a dû se rabattre sur Cuba pour tourner les scènes se déroulant dans les Antilles.

«Au départ, nous voulions tourner à la Martinique, mais certains descendants des propriétaires des plantations ne nous ont pas autorisés à tourner sur leurs terres, expliquent les deux acteurs. On s'amuse beaucoup du paradoxe d'ailleurs. Pour ménager des susceptibilités, nous avons dû renoncer à tourner sur un territoire faisant partie d'un grand pays démocratique, alors que nous n'avons eu aucun problème à le faire dans un pays que d'aucuns considèrent comme une dictature!»

En toute candeur


Les deux humoristes, qui ont notamment fait partie du Jamel Comedy Club de Jamel Debbouze, ont essentiellement fait leurs classes sur scène. Ils ont abordé en toute candeur leur première expérience en réalisation.

«L'avantage de travailler ensemble réside dans le fait qu'on sait se faire rire mutuellement, font-ils remarquer. On a emprunté la vieille recette du duo classique qui, dans le cinéma français, reste toujours efficace. De La grande vadrouille à Intouchables, cette formule permet d'insérer des effets comiques tout en n'empêchant rien sur le plan du contenu. Notre objectif était essentiellement de faire rire en tirant le ridicule des pires clichés raciaux. C'est ce que les gens ont compris. Nous sommes d'ailleurs très fiers du fait que le film ait été perçu exactement de la façon dont nous le souhaitions au départ.»

En France, Case départ a d'ailleurs créé la surprise l'été dernier en attirant près de deux millions de spectateurs dans les salles.

«Pour un premier film, on pouvait difficilement demander mieux!», reconnaissent Thomas Ngijol et Fabrice Éboué.

Case départ prend l'affiche le 27 avril.





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