Devant l’apparente simplicité de leur mécanique compacte alimentée en électrons, bien des consommateurs croient que les véhicules électriques ne nécessitent pas (ou peu) d’entretien. La réalité est toutefois nettement plus nuancée. Pierre Henry, formateur à l’Atelier branché, un centre de formation mécanique pour véhicules électriques niché à Saint-Hubert, nous a aidé à y voir plus clair.

Certes, un véhicule électrique n’a pas de bougies, de chaîne de distribution ou de turbocompresseur qui peuvent s’user et cesser de fonctionner, mais certains de ses composants exigent une attention particulière. « Une voiture électrique nécessite en moyenne 23 % moins d’entretien qu’une voiture à essence », estime M. Henry en entrevue avec La Presse. Une proportion qui pourrait en surprendre plus d’un, mais qui a bien du sens lorsqu’on survole les bases de sa maintenance.

Les freins

Le formateur d’expérience met d’abord en lumière un problème couramment associé aux freins des automobiles électriques en raison de leur faible utilisation. La conduite « à une pédale », appréciée par bien des propriétaires de véhicules électriques, permet à la fois d’emmagasiner de l’énergie en décélération et de ralentir la voiture sans employer la pédale de frein, ce qui induit une sous-utilisation du système de freinage. « La rouille se met souvent dans les freins », met en garde M. Henry, tout en conseillant un entretien annuel des étriers pour éviter leur grippage, en plus d’un changement périodique de l’huile à frein, qui peut devenir contaminée avec le temps.

Le système de refroidissement et le boîtier de réduction

Le système de refroidissement est un autre élément à ne pas négliger sur un véhicule électrique. Jouant un rôle essentiel dans la thermorégulation de la batterie et, donc, sa performance, il est nettement plus complexe que celui d’une voiture à essence traditionnelle. « Sur une Chevrolet Bolt, il y a trois systèmes de refroidissement à entretenir », illustre M. Henry. Il est donc nécessaire de faire inspecter ces systèmes à certains intervalles à titre préventif. Le remplacement du liquide de refroidissement, selon les recommandations du constructeur, est aussi important pour préserver ses propriétés et éviter qu’il devienne « acide ou alcalin ». À ce sujet, M. Henry indique que le coût très élevé de ce liquide, particulièrement chez Hyundai et Kia, est appelé à baisser en raison d’une offre plus variée grâce au marché secondaire.

La climatisation joue aussi un rôle dans le refroidissement de la batterie, en plus de l’habitacle. Il est donc important d’y porter attention et de faire vérifier ses composants. Les Tesla ont entre autres un sachet déshydratant à remplacer tous les deux à six ans, selon les modèles.

Autre entretien digne de mention : certains véhicules électriques doivent faire l’objet de vidanges d’huile, un entretien qui peut être négligé par certains propriétaires mal informés. Le boîtier de réduction des Ford F-150 Lightning et des Tesla est lubrifié par de l’huile et dispose d’un filtre à l’huile. « Cette huile peut beaucoup se détériorer », précise M. Henry, et le filtre peut se corroder s’il n’est pas remplacé périodiquement. Les intervalles sont nettement plus espacés que ceux dans le cas des véhicules à essence, mais il est important de le remplacer de temps à autre pour assurer la bonne lubrification de ces engrenages essentiels.

Batterie, suspension et pneus

À l’instar des voitures à moteur thermique, les autos animées par un moteur électrique disposent d’une batterie de 12 V qui alimente l’électronique à bord. M. Henry encourage les propriétaires de véhicules électriques à faire régulièrement tester sa charge, car les signes avant-coureurs de sa faiblesse ne sont pas aussi flagrants que sur un véhicule à essence, qui peut peiner à démarrer en pareilles circonstances.

Étant particulièrement lourds en raison de leur batterie, les véhicules électriques induisent en outre un stress important sur les pièces de suspension et de direction, un phénomène accentué par l’état déplorable de notre réseau routier. Le mécanicien conseille de faire inspecter ces composants, en plus de la batterie et des freins, au moins deux fois par année pour avoir l’esprit tranquille.

En raison du couple élevé des moteurs électriques, les pneumatiques peuvent également s’user plutôt rapidement si le conducteur est un peu trop enthousiaste. Une variable dont il faut tenir compte dans le budget d’entretien. Cela dit, M. Henry mentionne que si la conduite est douce, l’usure prématurée de la bande de roulement peut être évitée.

Finalement, le formateur est d’avis qu’il est nécessaire d’appliquer un bon traitement antirouille pour préserver l’état du véhicule, malgré ce qu’en disent les constructeurs.

Aucun manufacturier ne va recommander de traitement antirouille, parce qu’ils ne savent pas quels produits les garages utilisent […]. Mais maintenant, il existe des produits spécifiques aux voitures électriques.

Pierre Henry, formateur à l’Atelier branché

M. Henry souligne que les bons ateliers vont aller jusqu’à déboulonner la batterie à haute tension pour effectuer le traitement antirouille.

La batterie à haute tension réellement problématique ?

Élément essentiel au bon fonctionnement d’un véhicule électrique, la batterie à haute tension fait souvent les manchettes en raison des multiples annonces en lien avec la filière québécoise promise. Elle est aussi source de questionnements depuis ses balbutiements en raison de ses coûts de remplacement très élevés.

Pierre Henry se veut néanmoins rassurant sur sa longévité. « C’est impressionnant de voir à quel point les batteries ne s’usent pas », souligne avec enthousiasme le formateur, qui précise que seules les Nissan Leaf peuvent souffrir d’une dégradation plus rapide en raison de leur système de refroidissement à air. Un problème plus marqué si le véhicule a passé la majeure partie de son temps dans un climat chaud.

M. Henry précise par ailleurs ne pas constater d’usure prématurée des batteries en lien avec les recharges rapides : « Je ne suis pas inquiet […], c’est un faux débat. » Il estime qu’une batterie normale perd en moyenne de « 2 à 3 % » de sa capacité de charge par année tout en avançant qu’elle « va souvent faire la vie de la voiture ». Pour appuyer cette affirmation, il détaille les garanties généreuses de bien des constructeurs.

Dernier conseil, et non le moindre : n’hésitez pas à vous informer et à suivre les recommandations des spécialistes spécifiques à votre modèle pour prolonger la durée de vie de votre – coûteux – achat. Il y a certainement bien des avantages à faire la transition vers l’électrique, mais cela doit s’accompagner invariablement d’un entretien rigoureux pour boucler ces kilomètres silencieux avec quiétude.