L'autopartage tel qu'on le connaît est-il menacé? Ou, du moins, en mutation? Il pourrait être victime de son succès. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à flairer la bonne affaire. Ils? Des agences de location de voitures, des entreprises émergentes, et même des constructeurs automobiles.

Dix-huit organisations d'autopartage dans le monde, dont Communauto, plus ancienne en Amérique du Nord, ont annoncé la semaine dernière à Washington l'avènement d'une association qui «fixe les normes environnementales, éthiques et sociales de cette industrie».

Derrière cette déclaration de bonnes intentions se cache une crainte, pour ne pas dire une menace. «Il y a de nouveaux joueurs qui apprécient de pouvoir s'appeler autopartage. L'industrie actuelle a senti la nécessité de se protéger et de protéger le concept afin de démontrer qu'il apporte des valeurs collectives. Le concept devient de plus en plus courant. Acheter un véhicule n'est plus un objectif individuel», explique Marco Viviani, directeur des relations publiques de Communauto.

Ces nouveaux «joueurs» se nomment WeCar, Zipcar ou encore Connect et sont, pour la plupart, sous la tutelle d'entreprises de location de voitures. Le service offert s'apparente à ce qu'offre Communauto par exemple.

Les membres de la CarSharing Association (CSA) nouvellement créée affirment ne pas bouder cette concurrence tout en étant sur leurs gardes. Ces nouvelles entreprises ne partagent pas les mêmes objectifs, selon la CSA. Et leur impact environnemental et social est moindre. «C'est inquiétant quand on prétend faire de l'autopartage en ne respectant pas les règles et en ne remplissant pas cet objectif», dit Marco Viviani. Ces entreprises ne représentent «pas vraiment une menace, ajoute son président, Benoît Robert. Il y a un enjeu de positionnement, d'objectif. Le nôtre est de cannibaliser la vente des autos en vue de rationaliser l'utilisation de la voiture. Que chacun fasse son travail le plus efficacement possible, qu'il n'y ait pas de confusion pour le consommateur et que les pouvoirs publics reconnaissent notre travail et travaillent avec nous pour rationaliser l'usage de la voiture».

L'arrivée de ces nouveaux joueurs pose parfois de sérieux problèmes, surtout aux États-Unis. D'où une inquiétude palpable du côté des précurseurs de l'autopartage. La concurrence est synonyme d'occupation (de l'espace) et rime avec préoccupation. À San Francisco, on s'est arrachés les stationnements, entraînant une inflation galopante, trop galopante pour les entreprises d'autopartage face aux agences de location. À Vancouver, certains ont perdu des avantages acquis précédemment auprès de la Ville.

«Une entreprise de location ou autre qui fait de l'autopartage et qui a généralement une présence multinationale dépense plus que nous en matière de marketing auprès de nouveaux membres et peut signer des contrats importants avec les universités et les agences gouvernementales, témoigne Judith Harvey, responsable des services aux membres de PhillyCarShare, à Philadelphie. Elle a aussi plus de levier, plus d'influence, quand vient le temps d'avoir un stationnement exclusif ou de presser les autorités. Ces pratiques nous mettent de la pression pour avoir des tarifs et des accords équivalents, ce à quoi nous ne sommes pas toujours préparés.»

Les pouvoirs publics ont de la difficulté à faire la différence entre les entreprises quand vient le temps d'arbitrer des litiges, déplore Benoît Robert. «Je ne vois pas les agences comme des compétiteurs vis à vis de la clientèle, mais vis à vis du réseau, de l'espace, oui», dit le président de Communauto.

Ces concurrents ne réussissent pas tous dans ce domaine. Le jeune entreprise torontoise CityFlitz a fait faillite au bout d'un an et demi. On n'a jamais vu à Montréal la couleur de ses voitures à 1$ par jour. «Ce qu'on fait est très loin de ce que cette concurrence est habituée à faire, ajoute M. Robert. C'est un marché qui est en émergence. Cela fait longtemps que l'on nous reproche d'être seuls, nous allons être capables de continuer à tirer notre épingle du jeu.»

LES MEMBRES DE LA CSA

CANADA

- Communauto Montréal, Québec, Gatineau et Sherbrooke

- VRTUCAR Ottawa

- CarShareHFX Halifax

- The Car Co-op Vancouver Coop

- AutoShare Toronto

ÉTATS-UNIS

- Ashland Car Share Ashland, Oregon

- Buffalo CarShare Buffalo, New York

- CarShare Vermont Burlington, Vermont

- City CarShare San Francisco, Californie

- CityWheels Cleveland, Ohio

- Community Car Madison, Wisconsin

- eGo CarShare Denver et Boulder, Colorado

- HOURCAR Minneapolis, Minnesota

- I-GO Car Sharing Chicago, Illinois

- Ithaca Carshare Ithaca, New York

- PhillyCarShare Philadelphie, Pennsylvanie

BRÉSIL

- Zazcar Sao Paulo

AUSTRALIE

- GoGet Sydney, Melbourne, Adelaïde et Brisbane

Photo Alain Roberge, archives La Presse

Grâce au succès de l'autopartage, les espaces de stationnement réservés à Communauto sont de plus en plus nombreux.