D’un côté, l’acteur expérimenté qui remonte sur les planches après une absence prolongée. De l’autre, un jeune finissant au talent sidérant. Vincent-Guillaume Otis et Émile Ouellette se livrent un duel théâtral bouleversant dans Le fils, pièce coup de poing présentée au Rideau Vert.

Force est de l’admettre : Vincent-Guillaume Otis n’a pas choisi la facilité pour son retour sur les planches. Dans Le fils, l’acteur doit puiser au plus profond de son âme pour incarner Pierre, un père impuissant devant le mal-être grandissant de son aîné. La pièce signée par le dramaturge français Florian Zeller et mise en scène par René Richard Cyr offre en effet une puissante partition à celui qu’on n’avait pas vu au théâtre depuis 2015.

Dans un décor beige et sans aspérité, une famille recomposée essaie de sauver de la noyade émotionnelle Nicolas, le fils aîné de Pierre. Ici, pas de violence sourde, de père éternellement absent ou de belle-mère cruelle. Juste l’ordinaire d’une famille qui jongle avec les aléas du quotidien : le bain du plus petit, le travail, les tâches ménagères.

Au milieu de ce tableau banal, Nicolas souffre d’un mal que lui-même n’arrive pas à circonscrire. Un mal de vivre lancinant, une douleur à l’âme qui le paralyse. Autour de lui, toute la famille se mobilise.

On cherche des solutions, on lui offre aussi des formules toutes faites qu’on souhaiterait magiques pour le ramener du côté des vivants. On l’enveloppe d’amour maladroit, mais d’amour tout de même. Seulement, l’amour ne suffit pas toujours.

PHOTO DAVID OSPINA, FOURNIE PAR LE RIDEAU VERT

Émile Ouellette et Sylvie De Morais-Nogueira incarnent le fils et sa mère dans la pièce de Florian Zeller.

Dans le rôle de cet adolescent qui perd pied, Émile Ouellette est à couper le souffle. Son visage passe en un éclair de la candeur à la fureur, ses yeux se brouillent de tristesse puis deviennent effrayants de froideur… Il a déjà l’aplomb et le charisme des grands et on ne peut que lui souhaiter une carrière à l’image de ce premier rôle, lui qui est tout juste diplômé de l’École nationale de théâtre.

Sylvie De Morais-Nogueira est convaincante dans le rôle de la mère épuisée d’inquiétude pour son enfant, tandis que Stéphanie Arav rend bien ce rôle de belle-mère qui doit accueillir dans son cocon un ado en pleine dépression. Charles Aubey-Houde et Frédéric Paquet complètent la distribution.

Un texte d’une vérité toute crue

Avec Le fils, le dramaturge français Florian Zeller raconte sans artifice l’histoire tragique d’une famille ordinaire. Ici, point de pirouette scénaristique inutile. La vérité est à son niveau le plus cru. On a tous déjà lu ou vu cette histoire mille fois. Et pourtant. On y reste accroché, subjugué par la force des mots, par la puissance des interprétations et par la délicate mise en scène de René Richard Cyr, sans esbroufe et toute au service du texte.

Le soir de la première, quand le rideau est redescendu après une heure trente d’émotion brute, le public était soufflé, presque assommé. Ce sera un véritable tour de force pour les deux interprètes principaux de livrer soir après soir un texte d’une aussi grande charge émotive.

Au cinéma, le grand Anthony Hopkins a reçu un Oscar pour son rôle dans Le père, film écrit et réalisé par le même Florian Zeller. Au Rideau Vert, le film du Fils devra être rejoué à plus de 20 reprises. Le cœur à nu, chaque fois…

Consultez le site du Théâtre du Rideau Vert
Le fils

Le fils

De Florian Zeller. Mise en scène de René Richard Cyr. Avec Vincent-Guillaume Otis, Émile Ouellette, Stéphanie Arav et Sylvie De Morais-Nogueira

Au Théâtre du Rideau Vert, Jusqu’au 29 octobre

8,5/10