Pour son premier solo au théâtre, Sophie Desmarais ne s’est pas fait de cadeau. D’abord, parce que la pandémie a chamboulé le processus de création de cette pièce qu’elle devait présenter en 2020. Ensuite, parce que The One Dollar Story est une partition exigeante et touffue qui ne lui laisse aucun répit durant 90 minutes.

Le texte du Français Fabrice Melquiot est bourré de références aux années 1960, aux artistes et à la contre-culture américaine. L’exercice est périlleux, même pour une actrice aussi talentueuse et puissante.

Depuis 15 ans, Sophie Desmarais enchaîne avec brio les rôles au cinéma, au théâtre et à la télévision. La comédienne est un diamant brut, capable de se transformer, de passer par tous les états émotifs. Ici, son personnage vivra le deuil, la trahison, la jouissance, la révolte et la souffrance. Beaucoup de souffrance.

PHOTO MAXIME ROBERT-LACHAINE, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Dans The One Dollar Story, le personnage joué par Sophie Desmarais vivra le deuil, la trahison, la jouissance, la révolte et la souffrance.

Sur la route

Lorsque, au début, Jodie Casterman arrive seule sur scène avec son très lourd sac à dos, on sent déjà le poids de toute une vie sur les épaules de cette femme de 40 ans. Sa quête existentielle sera longue, déroutante. Et complexe. Car son parcours est rempli de mystères, bourré de détours.

Il y a d’abord ce père adoptif qui meurt d’un cancer dans une cabane sous les sapins de l’Oregon. Puis sa mère, Suzanne, une vieille hippie qui aurait eu une idylle avec Leonard Cohen (et inspiré sa célèbre chanson) et qui n’a jamais aimé sa fille. Jodie, elle, aura une révélation sur la véritable identité de son père biologique. Cette femme au bord de la crise de nerfs va littéralement péter un plomb sous nos yeux ! Puis décider de partir à la recherche de ce père au Nouveau-Mexique.

Cul-de-sac

Or, malgré une performance de haut calibre, on a l’impression de voir une grande interprète jouer une partition insensée. Le spectateur cherche en vain un passage, une clé, pour accéder à son univers intime et troublant.

L’histoire du personnage se replie constamment sur elle-même, dans un trop-plein de mots qui nous empêche d’accéder à son drame.

De plus, la mise en scène artificielle de Roland Auzet n’aide pas la cause. Le spectacle vire au psychotronique quand Jodie a une relation sexuelle avec… un extraterrestre ! Une scène hallucinante, magnifiquement éclairée par Cédric Delorme-Bouchard, cela dit, mais sans rapport avec le reste du spectacle.

La fin est plus réussie. On finira par comprendre la raison de ce mystérieux billet de 1 $ que Jodie ne cesse d’évoquer (il faut bien justifier le titre de la pièce). Lorsqu’elle revient sur scène, après son orgasme cosmique, Jodie apparaît dans un costume magnifique, coloré et traditionnel. L’air digne. Son visage apaisé laisse penser que la femme finira (peut-être) par vivre sa vie. On le lui souhaite. Car on avait hâte de retourner à la nôtre.

The One Dollar Story

Texte de Fabrice Melquiot, mise en scène de Roland Auzet, avec Sophie Desmarais, coproduction du Groupe de la Veillée et d’ACT Opus (France)

Au Théâtre Prospero, Jusqu’au 16 avril

6/10

Consultez le site du Théâtre Prospero