Le Centre national des arts (CNA) a dévoilé cette semaine la saison inaugurale du tout premier Théâtre autochtone national au monde. Son directeur artistique, Kevin Loring, nous parle de sa programmation.

Quelques minutes avant le lancement de saison du Théâtre autochtone, mardi dernier au CNA à Ottawa, Staying Alive résonnait dans les haut-parleurs de la salle de la conférence de presse. « Rester en vie »… Le célèbre refrain des Bee Gees résume très bien la résilience et la survivance des peuples autochtones du Canada, depuis que des conquérants se sont installés sur leur territoire, il y a cinq siècles.

Puis la chanson des Bee Gees a fait place au tambour et aux voix chaudes du duo Mazinikijik Singers, avant que Lori Marchand et Kevin Loring, respectivement directrice administrative et directeur artistique du nouveau département consacré aux arts vivants autochtones, viennent annoncer les couleurs de cette saison sur la thématique de la guérison.

Pourquoi ce thème ? « Parce que les histoires de nos artistes ont le pouvoir de nous guérir des blessures du passé, en nous rendant plus empathiques », répond le directeur artistique en entrevue à La Presse.

Festival inclusif

PHOTO FOURNIE PAR LE CNA

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La programmation 2019-2020 propose des spectacles tant contemporains que traditionnels, dans diverses langues et cultures autochtones. 

La saison s’ouvrira le 12 septembre avec le Festival Mòshkamo : le réveil des arts autochtones, événement décrit comme « une expérience pluridisciplinaire » étalée sur deux semaines et sur les quatre scènes du CNA.

Côté théâtre, trois pièces seront à l’affiche en septembre : Là où le sang se mêle, un texte sur les pensionnats autochtones écrit par Kevin Loring, mis en scène par Charles Binder, qui sera présenté en anglais et en français ; The Unnatural and Accidental Women, une création de Marie Clements, une coproduction du Théâtre anglais et du Théâtre autochtone du CNA ; et Mokatek et l’étoile disparue, de et avec Dave Jenniss, directeur artistique d’Ondinnok, l’une des plus vieilles compagnies de théâtre autochtones du Canada.

Début janvier, une curiosité : Unikkaaqtuat, spectacle de cirque créé en collaboration avec Les 7 doigts, de Montréal, et des artistes circassiens d’Iqaluit à partir de mythes fondateurs inuits.

Femmes de parole

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La voix des femmes autochtones a une place de choix au sein de la programmation. Pas moins de neuf des onze productions sont créées ou mises en scène par des femmes. « Alors qu’on parle beaucoup des filles et femmes autochtones disparues et assassinées au Canada, nos matriarches doivent être visibles sur scène », explique M. Loring. 

« En plus d’être les piliers de leurs communautés respectives, les femmes sont prédominantes dans le milieu culturel autochtone. On veut donc célébrer la résilience, la beauté et la force des femmes autochtones. »

La saison fait aussi place à la musique avec Buffy Sainte-Marie et Susan Aglukark. Les chanteuses donneront chacune un récital sur la scène de la salle Southam ; Mme Aglukark sera accompagnée par les musiciens de l’Orchestre du CNA.

Outre la variété des disciplines, M. Loring veut représenter la diversité des communautés artistiques autochtones de toutes les régions du pays, de l’est à l’ouest, du nord au sud. « Le Théâtre autochtone, ce n’est pas simplement programmer des spectacles. C’est aussi donner l’envie à de futurs artistes autochtones de pratiquer ce métier-là, et tous les métiers de la scène : acteur, dramaturge, éclairagiste, scénographe, etc. »

Selon M. Loring, la partie la plus facile du travail, c’est de faire des choix de programmation. « Le plus dur, c’est la politique », tranche le directeur, qui devra entreprendre les activités du Théâtre autochtone sans le soutien financier du gouvernement fédéral. « Notre demande de financement annuel de 3,5 millions de dollars auprès de Patrimoine canadien est restée lettre morte, a-t-il déploré à la fin du mois de mars à Radio-Canada. On devra puiser dans l’argent amassé par la Fondation du CNA auprès de donateurs privés, environ 2 millions de dollars. »

La direction du Centre national des arts a aussi rappelé que l’institution culturelle de la capitale nationale, fondée en 1969, est située « sur un territoire traditionnel algonquin non cédé ».